Résumé de la 1re partie n Quand M. Seguin veut dissuader la chèvre d'aller dans la montagne, il lui parle du loup... Le loup se moque bien de tes cornes. Il m'a mangé des biques autrement encornées que toi... Tu sais bien la vieille Renaude qui était ici l'an dernier ? une maîtresse chèvre, forte et méchante comme un bouc. Elle s'est battue avec le loup toute la nuit... puis le matin le loup l'a mangée. — Pécaire ! pauvre Renaude !... — Cela ne fait rien, monsieur Seguin, laissez-moi aller dans la montagne. — Bonté divine ! dit M. Seguin... mais qu'est-ce qu'on leur a donc fait à mes chèvres ? Encore une que le loup va me manger... Eh bien, non... je te sauverai malgré toi, coquine, et, de peur que tu ne rompes ta corde, je vais l'enfermer dans l'étable, et tu y resteras toujours. Là-dessus, M. Seguin emporta la chèvre dans une étable toute noire, dont il ferma la porte à double tour. Malheureusement, il avait oublié la fenêtre, et à peine eut-il le dos tourné que la petite s'en alla... Quand elle arriva dans la montagne, ce fut un ravissement général. Jamais les vieux sapins n'avaient rien vu d'aussi joli. On la reçut comme une petite reine. Les châtaigniers se baissaient jusqu'à terre pour la caresser du bout de leurs branches. Les genêts d'or s'ouvraient sur son passage, et sentaient bon tant qu'ils pouvaient. Toute la montagne lui fit fête. Plus de corde. Plus de pieu... rien qui l'empêcha de gambader, de brouter à sa guise... C'est là qu'il y en avait de l'herbe ! jusque par-dessus les cornes... Et quelle herbe ! Savoureuse, fine, dentelée, faite de mille plantes... C'était bien autre chose que le gazon du clos. Et les fleurs donc !... De grandes campanules bleues, des digitales de pourpre à longs calices, toute une forêt de fleurs sauvages débordant de sucs capiteux ! La chèvre blanche, à moitié ivre, se vautrait là-dedans les jambes en l'air et roulait le long des talus, pêle-mêle avec les feuilles tombées et les châtaignes... Puis, tout à coup, elle se redressait d'un bond sur ses pattes. Hop ! la voilà partie, la tête en avant, à travers les maquis et les buissons, tantôt sur un pic, tantôt au fond d'un ravin, là-haut, en bas, partout... On aurait dit qu'il y avait dix chèvres de M. Seguin dans la montagne. C'est qu'elle n'avait peur de rien la Blanquette ! Elle franchissait d'un saut de grands torrents qui l'éclaboussaient au passage, de poussière humide et d'écume. Alors, toute ruisselante, elle allait s'étendre sur quelque roche plate et se faisait sécher par le soleil... Une fois, s'avançant au bord d'un plateau, une feuille de cytise aux dents, elle aperçut en bas, tout en bas dans la plaine, la maison de M. Seguin avec le clos derrière. Cela la fit rire aux larmes. — Que c'est petit ! dit-elle ; comment ai-je pu tenir là-dedans ? Pauvrette ! de se voir si haut perchée, elle se croyait au moins aussi grande que je monde... En somme, ce fut une bonne journée pour la chèvre de M. Seguin ! Vers le milieu du jour, en courant de droite et de gauche, elle tomba dans une troupe de chamois en train de croquer une lambrusque à belles dents. Notre petite coureuse en robe blanche fit sensation. On lui donna la meilleure place à la lambrusque. (A suivre...)