Résumé de la 40e partie n Tout se ligue contre Beck, y compris son écriture, considérée comme identique par un expert graphologue à celle de John Smith, l'escroc avec qui on le confond... Le procès de Adolf Beck commence le 3 mai 1896. C'est le procureur Avery, un homme connu pour sa dureté et son manque total de sentiments qui représente le ministère public. Il est petit, très maigre et pâle et la presse britannique l'a surnommé «le pourvoyeur de potence» pour les nombreuses peines de mort qu'il a prononcées. La cour est présidée par le juge Forest Fulton, celui qui a condamné John Smith dix-neuf ans plus tôt. Mais Forrest ne semble guère se souvenir de Smith. La défense de Beck est assurée par un brillant avocat, C. F. Gill. Il a averti son client que l'essentiel de son intervention portera sur le témoignage de l'expert graphologue, Gurrin : celui-ci ayant soutenu que les écrits datant de 1877, attribués à Smith, et ceux de 1894-96, à Beck étaient l'œuvre d'une seule et même personne. Or, Gill a pu obtenir des témoignages écrits d'hommes et de femmes, affirmant qu'en 1877 Beck se trouvait en Amérique du Sud. S'il n'a pu écrire les documents de 1877, il ne peut avoir écrit ceux de 1894-96 : il ne peut donc être tenu pour l'auteur des escroqueries. Au terme de sa démonstration, il demandera tout simplement la relaxation de son client. Avery, comprenant la stratégie de l'avocat, n'interroge pas l'expert sur les écrits de 1877. — Votre Honneur, demande-t-il au juge fulton, je vous demande l'autorisation d'interroger monsieur Gurrin sur les écrits de 1877… Avery réagit aussitôt. — Je m'y oppose ! vous savez bien que la loi britannique interdit tout interrogatoire relatif à une condamnation antérieure du prévenu, tant qu'il n'a pas été jugé pour les faits en instance de jugement. Et il ajoute, avec une certaine perfidie. — C'est une mesure destinée à protéger le prévenu, pour ne pas influencer les jurés qui se prononceront sur son affaire ! L'avocat s'emporte aussitôt. — vous n'avez pas le droit de nous priver d'un témoignage à même de prouver l'innocence de notre client ! Le procureur répond, imperturbable : — La loi est la même pour tous ! — c'est important pour innocenter un accusé ! — votre requête touche à un fait passé, sans relation avec la procédure actuelle ! — au contraire, dit l'avocat, ce passé que vous voulez nous empêcher d'évoquer est à même d'apporter des réponses aux questions que nous nous posons tous ici : Adolf Beck est-il oui ou non coupable ? Comment peut-on lui attribuer des documents qu'il aurait écrits en Angleterre alors qu'il ne s'y trouvait pas ! Et nous avons des preuves que durant la période où agissait John Smith, Adolf Beck était en Amérique du Sud. Le procureur demande au juge Fulton de décider si la question doit être inscrite ou pas. — non, dit le juge, il faut respecter la loi, la question ne sera pas inscrite ! Avery, recroquevillé dans son fauteuil, a un sourire mauvais. Il vient de remporter la manche, en attendant de remporter la victoire. (A suivre...)