Exploitation n Au mépris des textes de loi qui protègent les enfants, des milliers d'entre eux sont exploités dans le travail notamment informel et dans les réseaux de mendicité. Combien sont-ils, aujourd'hui, ces enfants qui travaillent dans notre pays ? Difficile de répondre avec exactitude à cette question vu qu'il n'existe pas d'étude réelle ou approfondie pour en recenser le nombre. Certaines statistiques parlent de 300 000 enfants, d'autres de beaucoup plus. Abdelhak Mekki, directeur de l'Observatoire des droits de l'enfant de la Forem, avance que près de 300 000 enfants sont exploités dans des entreprises. Ils y travaillent sans avoir atteint l'âge légal, fixé par la loi dans notre pays à 16 ans. Il s'agit là d'une véritable atteinte aux droits de l'enfant surtout quand on sait que ce chiffre pourrait bien doubler, si l'on tient compte du marché informel en pleine expansion en Algérie. Ce sont notamment ces enfants utilisés en tant que domestiques, ceux exerçant des petits métiers à la sauvette dont le nombre peut atteindre le million et demi. M. Mekki, un fervent défenseur des droits de l'enfant, affirme que la situation est bien plus «déplorable» qu'on le pense. Il a relevé aussi que 10 000 bambins subissent des violences physiques chaque année. Cette situation dramatique est déterminée, selon lui, par plusieurs facteurs, notamment la situation socioéconomique très difficile vécue par de nombreuses familles algériennes et la déperdition scolaire. Certains de nos responsables notamment dans le secteur de l'éducation veulent minimiser la gravité de ces facteurs. Environ 500 000 enfants sont perdus chaque année pour l'école, note M. Mekki. Interdit par la loi, le travail des enfants est loin d'être un phénomène extraordinaire dans notre pays, tant il est banalisé, à l'image de plusieurs autres qui, à force d'être ignorés, sont devenus une réalité. Une réalité amère cependant. Cette situation reflète clairement le degré de détérioration du pouvoir d'achat des familles, mais aussi les dangers qui guettent les enfants dès leur jeune âge. Et pourtant, la loi est claire à ce sujet et punit sévèrement l'exploitation des enfants. Le code pénal condamne toute personne qui abandonne un enfant sans protection. Mais les textes de loi ne suffisent pas à éradiquer «un fléau». M. Mekki a estimé, par ailleurs, que l'Etat à lui seul ne pourra pas protéger tous les enfants. Il appelle à une plus grande implication de tous les citoyens et de la société civile. En l'absence de nouvelles études portant sur le nombre d'enfants vivant dans la rue, on peut se référer à celle réalisée en 2006 par la Fondation nationale de promotion de la santé et du développement de la recherche (Forem). D'après cette étude, jusqu'en 2006, on a dénombré 20 000 enfants qui vagabondent à travers les rues de différentes villes d'Algérie, surtout dans le Nord. Leur âge varie en moyenne entre 5 et 16 ans. Ils se retrouvent dans la rue pour diverses raisons, dont les conflits familiaux et les agressions, souvent sexuelles. Une enquête nationale sur les enfants de la rue réalisée la même année par l'Observatoire des droits de l'enfant (ODE) révèle que 61% de ces jeunes vivent de mendicité, 15% de vols et 2% de prostitution. La même enquête affirme qu'un enfant sur deux présente des dermatoses et des infections respiratoires et consomme des psychotropes (diluants, colles). Les résultats de cette enquête montrent que 33% des enfants n'ont jamais fréquenté l'école, 54% ont le niveau primaire et 13% ont un niveau moyen. Aussi trois quarts d'entre eux ont-ils toujours leurs parents et 41% ont plus de cinq frères et sœurs. Près de la moitié d'entre eux a rompu totalement le contact avec sa famille. Quelque 60% de ces enfants passent la nuit dans la rue ou dans les jardins publics à travers l'Algérie, 29% sous des tentes ou dans des baraques de fortune et 6% squattent les gares routières, selon la même enquête. Toutefois, 63% des enfants disent regretter le foyer familial et 57% veulent aller dans un foyer de substitution. Pour rappel, ces chiffres remontent à 2006 et, aujourd'hui, malgré l'absence d'études approfondies pour connaître le nombre exact de ces enfants, on peut facilement déduire que ce phénomène a encore pris de l'ampleur.