InfoSoir : Quelle est l'utilité de la banque islamique par rapport aux autres banques classiques, selon vous ? Malek Serrai : La banque islamique, bien que venue tardivement dans le monde économique, a rapidement démontré son utilité non seulement dans le monde musulman, mais aussi à travers tout le circuit économique mondial. Elle se singularise en particulier par l'offre de service financier et de crédit (hallal selon la charia islamique, prohibant la rhiba : l'usure et le gharar : contrats hasardeux ou spéculatifs), exprimé essentiellement à travers le partage des risques et des bénéfices avec ses clients en lieu et place d'imposition et de collecte d'intérêt. Mais le modèle moderne tel que vulgarisé actuellement n'a fait son apparition que tardivement (1975), même dans le monde musulman. Les produits financiers islamiques sont-ils plus compétitifs que les traditionnels ? A travers les différentes techniques utilisées (mourabaha, moucharaka...), les produits financiers islamiques et leurs coûts sont effectivement plus compétitifs que le financement bancaire traditionnel, par exemple, si on calcule en pourcentage le coût des services et taux d'intérêts imposés par les banques classiques, les produits financiers islamiques sont dans la majorité des cas nettement plus compétitifs. Les banques publiques algériennes freinent-elles son avancée ? Les banques publiques ne posent pas d'obstacles aux banques islamiques, c'est la mission de la banque d'Algérie de réguler le marché des services financiers. Mais il est très clair que tant que les banques publiques n'ont pas encore atteint le niveau international de la concurrence, les grandes banques islamiques vont encore attendre leur agrément. Il est assez déroutant de constater que le traitement fiscal des profits réalisés par les opérations de financements islamiques est le même que celui réservé aux intérêts, alors que le droit musulman interdit la stipulation de l'intérêt. Votre commentaire ? Vous avez raison. Cela dénote un retard conséquent dans la réforme de notre système fiscal et en particulier à l'endroit du droit musulman pour le traitement des opérations de financement islamique. Il est tout simplement «haram» d'appliquer les intérêts au financement islamique. Le problème est essentiellement lié à notre réglementation. Il y a donc une nécessité de prendre des mesures fiscales, afin d'adapter le régime fiscal aux modes de financement islamique sur les crédits conventionnels et d'éviter ainsi des impositions ou des surimpositions au titre par exemple de la TVA ou de la TAP. Les modifications réglementaires devraient aussi toucher le plan national de comptabilité, la réglementation douanière et tarifaire, ainsi que, bien sûr, la réglementation sur la monnaie et le crédit et dans une phase ultérieure, la réglementation boursière. De même, le code de commerce se trouve en porte-à-faux à l'endroit de certaines activités liées aux titres d'investissement islamique sukuks.