Opinions n A cœur ouvert, nos interlocutrices et nos interlocuteurs nous parlent de leur mode de vie et de leurs rêves, sans tabou. L'Algérie, c'est connu, est un pays dont la population compte 70% de jeunes. Trop de politicards périmés parlent de leurs problèmes, mais très peu d'actions concrètes sont engagées en leur faveur. Nombre de jeunes sont malheureux : ils ne travaillent pas, ne sont pas logés, ne peuvent pas se marier, ne vivent pas quoi ! Ils ne croient plus en rien. Ils ont entendu trop de promesses jamais tenues. Nous sommes allés vers ces jeunes. Tour à tour, ils nous ont fait part de toutes les choses qui les touchent. Actuellement, les jeunes ne pensent qu'à fuir leur pays, où ils étouffent. Ils veulent vraiment vivre. Paradoxalement, la dernière chance de notre pays en crise, c'est justement tous ses jeunes, pour peu qu'on les aide et qu'on leur ouvre les portes. Malgré tous leurs déboires : chômage, crise de logement, misère sexuelle..., les jeunes Algériens ont un point commun : le désir de vivre. Abdelghani, 17 ans, lycéen raconte : «J'aime bien le lycée. Ce qui m'encourage à étudier, c'est cette mixité. Cela donne un charme à l'école. Si on me sépare des filles, je quitterai le lycée.» Idir pense que la vie est belle malgré les problèmes. A 20 ans, il ne va plus à l'école. Il ne travaille pas, mais son papa lui a ouvert une petite boutique. «Je fais tout pour être aimable avec les clients.» Ce jeune suit de très près la politique du pays. «On en a marre de leurs mensonges. Toute la classe politique algérienne a échoué. D'ailleurs, qui n'a pas échoué dans ce pays. Nous sommes en panne d'imagination. J'ai admiré un seul homme politique : feu Mohamed Boudiaf.» Yasmina est une belle blonde. A 22 ans, elle et cloîtrée à la maison. Elle sort très rarement. «Je veux sortir, respirer, aller voir un film ou une exposition, avoir des amis, mais mes parents me refusent tout cela. Certaines filles sont trop libres et d'autres n'ont rien.» Cette belle fille ne perd pas espoir de voir un jour les choses évoluer. Hayet est éducatrice. Elle a 30 ans. Elle travaille dans une crèche : «C'est un métier agréable, on se sent mère avant de l'être. J'adore les gosses. C'est l'innocence. Les enfants m'aiment. Ils se sentent proches, de moi, ils se confient à moi.» Notre éducatrice active dans une association féminine. Elle se sent concernée par le combat des femmes : «La femme en Algérie a fait d'énormes progrès. Elle a arraché des choses : elle sort, elle a un job mais, à mon avis, le problème de la femme, c'est d'abord à la femme de le régler. Je trouve que les femmes chez nous sont trop conservatrices.» Yacine, 23 ans, est étudiant à l'université. Il a toujours rêvé de faire des études supérieures. Aujourd'hui, il rencontre un tas de problèmes : «J'ai fait mes études secondaires en arabe. Aujourd'hui je suis arrivé à la fac, mais tout est enseigné en français. En plus, il y a un manque énorme de livres. et aucun lien n'existe entre le monde du travail et l'université. Ajoutez à cela qu'aucun loisir n'est prévu ni activité culturelle à la cité U.» Yacine considère que la vie d'un étudiant n'est pas rose. «Les étudiants vivent dans des cités dortoir et étudient dans des amphis archicombles. Ils sont sous-alimentés, déformés au lieu d'être formés. En Europe, être étudiant, c'est quelque chose !» Nadia, 38 ans, est une jeune femme qu'on peut appeler moderne. Elle exerce le métier de chef de service dans une société et possède une voiture. Elle n'a pas peur des mots. «Il n'y a pas assez de femmes qui travaillent. Ce qu'il faut aujourd'hui, c'est libérer les mœurs. Les jeunes me font de la peine. Ils sont presque tous frustrés. Nadia nous lance : «Il faut vite abroger le code de la famille qui considère la femme comme mineure à vie. C'est une honte pour l'Algérie de 2011.» Elle pense que la femme peut se prendre en charge sans le poids du frère, du père ou du mari. Les femmes souffrent encore dans ce pays. Les hommes sincères doivent faire quelque chose. Pour Nadia : «Le problème de l'Algérie, c'est le manque flagrant de communication. Les hommes et les femmes se croisent tous les jours, mais ne communiquent pas. Pourtant, ces deux êtres sont complémentaires. Zoubir, 28 ans, trabendiste, pense qu'il y a un choix à faire : «Survivre ou partir.» Ce jeune a perdu tout espoir. II pense monter quelques affaires ici en Algérie puis partir définitivement. «Un aller sans retour. Vous savez qu'on ne vit qu'une fois. Je ne veux pas moisir ici. Les barons ne veulent pas partir. Ils ne veulent rien lâcher. Alors, moi, j'ai décidé de m'en aller. Kateb Yacine disait bien : ‘'Le pays ne veut pas changer, il faut changer de pays.'' Avoir 20 ans, aujourd'hui chez nous, c'est horrible. S'il faut donner une vraie image de l'Algérie actuelle, ce sont aussi tous ces jeunes qu'on voit debout, souvent adossés au mur et qui attendent. Ils attendent tout : un travail, un logement, une femme, des loisirs... Place aux jeunes et qu'on en finisse avec le règne des médiocres. Il faut créer des emplois, loger des gens, animer les centres culturels, multiplier les échanges... et la liste est longue.» Et à Karima de conclure : «Donnez une chance aux jeunes. Que cesse la démagogie !» M. C. Z.