Déni n Ces enfants sont niés, effacés du réel. Ils n'existent pas. Interrogée sur le sort des enfants adoptifs une fois leurs parents décédés, Nacéra Merah, sociologue, répond que «les lois existent mais que représentent-elles dans la réalité ? Quels sont les recours possibles pour ces enfants ? Bien sûr qu'ils sont jetés à la rue par les familles après le décès des personnes qui les ont recueillis ! A moins que ces dernières pensent à leur faire des dons ou legs. Officiellement, ils n'ont pas droit à l'héritage, la religion est claire sur ce point. A quelle garantie peuvent-ils prétendre sachant que notre société hypocrite les rejette, la religion les renie, car nés hors mariage ? Bien sûr, nous trouverons tous les muftis et religieux qui nous garantissent que la religion les protège ; que nous sommes musulmans et, par définition, humains, mais qu'en est-il dans la réalité ? Il suffit de poser la question autour de nous !» Les enfants nés sous x peuvent-ils espérer retrouver un jour leur mère ? En réponse, Nacera Merah dira que ces derniers ont très peu de chance. «La société se protège du scandale, du déshonneur. C'est pour cette raison que l'identité de la mère n'est pas divulguée, au détriment de l'enfant qui naîtra dans le secret... Rares sont les mères qui laissent des traces qui risqueraient de compromettre leur avenir social après cet événement qui est considéré comme la pire des calamités.» A la question de savoir s'ils sont protégés juridiquement, la sociologue soulignera : «Si ‘'protégé'' signifie existence de lois, je dirai oui. En revanche, ces enfants ne sont pas protégés en réalité. Qui se sent réellement responsable d'eux, eux qui sont considérés comme la honte sociale. Ils sont nourris, hébergés par les services publics, mais des témoignages révèlent de nombreux cas de maltraitance. Je ne me limite pas à la violence physique, mais à la maltraitance sous toutes ses formes. Et la pire est celle psychologique. La manière dont la société les traite et les services publics qui confortent cette attitude, c'est inacceptable ! Avez-vous assisté à un accouchement d'enfant sous x ? C'est précisément à ce moment-là que commence la maltraitance ! Lorsqu'un enfant né sous x est traité de «oulid lahram», «enfant du péché», a-t-on un recours quelconque contre la personne qui l'insulte ? Qui acceptera la plainte ? Qui acceptera d'écouter ? Osera-t-on, même se plaindre ? C'est là que nous voyons s'il y a oui ou non protection juridique ! Quelle protection juridique trouve-t-on lorsqu'on est jeté à la rue à 19 ans ? Assure-t-on à l'enfant adopté, une fois adulte, un emploi, un logement…? Analysons la problématique de l'identité qui constitue un véritable problème pour eux.» Notre interlocutrice a estimé que l'hypocrisie sociale est renforcée par les instances religieuses, qui «ne reconnaissent pas» la relation sexuelle hors mariage. Ce qui laisse entendre que ces enfants n'existent pas. Ils sont niés, effacés du réel. Illégitimes. Par rapport à qui et à quoi ? Seul le mariage donne la légitimité à un enfant ? Quels sont les droits élémentaires de ces créatures innocentes et coupables d'être nées ? Ont-elles demandé à naître hors cadre socio- juridique ? En parler, défendre leurs droits élémentaires à la dignité humaine nous ont été reprochés, car cela signifie pour les hypocrites un encouragement à la dissolution des mœurs. Comme si cela n'existait pas et que nous appelions à la procréation hors mariage ! La démarche pour demander une filiation avec l'accord des parents «légitimes» bute aujourd'hui sur une réglementation contraignante. Non seulement la réglementation bloque, mais tout le système juridico-religieux interdit la filiation des enfants nés hors mariage. Les enfants abandonnés sont doublement rejetés, par les géniteurs et la société. «Ils sont considérés comme illégitimes. Ce qui est un non-sens, car la non-filiation entraînerait des mariages incestueux, à moins qu'ils espèrent que personne ne risque de les épouser. Et s'ils se marient, seulement, entre eux, il risque aussi d'y avoir inceste. Donc, du point de vue religieux, la filiation doit impérativement être établie», conclut notre sociologue.