Résistance n En dépit de la disponibilité de moyens modernes tels que les DJ, les Chaouis tiennent à leur cachet ancestral. La tradition d'el-bendou, aux origines lointaines, continue de conférer un cachet très particulier à la célébration des fêtes de circoncision dans la région d'Arris (Batna), au cœur du massif des Aurès. El-bendou signifie, dans le dialecte du terroir, «cadeau du circoncis». Il s'agit, en fait, d'un rameau de frêne, arbre localement appelé houzal, sur lequel l'on accroche des grenades, des figues, des abricots, des dattes, des noix, des amandes et autres fruits disponibles. Le rameau, ainsi chargé, est fixé à un récipient tressé en alfa, appelé Akdih, rempli de blé avant d'être déposé à côté du circoncis. Cette décoration est réalisée dans une ambiance de liesse, rythmée par les sons mélodieux de la gasba, du bendir et de la zorna accompagnant les chants en chaoui et les danses de femmes vêtues des traditionnelles mlehfa noire aux fines lisères roses, vertes et jaunes. Les salves de baroud et les youyous retentissent de temps à autre, pour relancer l'enthousiasme des danseuses exécutant avec grâce la danse des colombes, donnant l'impression de glisser avec une majestueuse légèreté sur le sol au gré des rythmes de la mélodie. Selon Mme Zerfa (80 ans), originaire d'Arris, la tradition veut qu'el-bendou soit offert par un des aïeuls, même si c'est la maman qui prend ensuite le soin de le «relooker» à sa manière pour le grand jour. Une des autres traditions héritées par les femmes de la région consiste à appliquer, la veille de la cérémonie, le henné aux mains et aux pieds du garçon à circoncire, au cours d'une réunion rassemblant les membres de la famille et parfois même de tout le douar. La fête dure ainsi jusqu'aux premières lueurs du jour avec chant de troupes de rehaba et sons de la zorna. El-bendou accompagne le cortège du circoncis et demeure aux côtés de l'enfant durant sept jours et sept nuits pour lui servir de «tasbira» (consolation), affirme la vieille dame qui continue à perpétuer cette tradition. La tradition orale locale attache à cette pratique l'histoire d'un pauvre hère qui, faute de trouver un cadeau digne du garçon circoncis du chef de la tribu, prend un rameau de frêne où il accroche plusieurs fruits pour l'orner. A sa grande surprise, son cadeau fut le plus apprécié par le chef... Aujourd'hui, le rameau de frêne est parfois remplacé par un morceau de bois soigneusement taillé chez le menuisier du coin, sur lequel l'on place, non plus seulement des fruits, mais aussi toute une floraison de jouets. Joignant les actes à la parole, la troupe el-bendou a récemment célébré dans la plus pure tradition chaouie, la circoncision du jeune fils du chanteur de la troupe, Zoubir Hadef. Le plus agréable dans cette fête organisée en plein air, en présence de tous les membres de la troupe, est qu'el-bendou était doublement présent à travers ses modèles «authentiques» et «modernisés». L'ambiance de liesse de la cérémonie augmente d'un cran, lorsque des enfants commencent à imiter les gracieux mouvements de la danseuse Hennia Benkelah, un peu comme pour signifier que cette tradition saura trouver contre vents et marées ceux qui en assureront la sauvegarde.