InfoSoir : A votre avis, pourquoi les Algériens sont-ils de moins en moins polis dans la rue, places publiques et transports en commun ? Nassera Merah : Ils ne sont pas moins polis qu'avant. Depuis toujours, dans notre société, où l'espace extérieur est considéré comme exclusivement masculin, le langage est pareil. Quand ils sont entre eux, les hommes se permettent un langage qu'ils évitent devant les personnes, hommes ou femmes qu'ils respectent. En présence des femmes, ce langage est un moyen d'affirmer leur supériorité, sachant que ces dernières fuiraient au lieu de répondre. C'est la forme de violence la plus utilisée, car elle ne laisse pas de trace physique. Pourquoi à votre avis, les gens n'interviennent pas dans la rue, dans les transports en commun lorsqu'ils voient certains comportements immoraux ? Se taisent-ils par peur ou par indifférence ? Il ne faut pas généraliser, des gens interviennent. Mais quelles sont les garanties institutionnelles les protégeant en cas de violences subies en défendant la personne agressée ? Une société où les individus n'ont pas été élevés dans l'esprit de la solidarité ne produit pas de citoyens à principes, qui interviennent, pour et, dans l'intérêt général. Ils ne sont dérangés que s'ils sont en présence d'une parente. D'ailleurs, qui nous dit qu'ils n'agissent pas de la même manière ? Ne pensez-vous pas que les parents, l'école et la mosquée ne jouent pas convenablement leur rôle éducatif, comme c'était le cas au lendemain de l'Indépendance de notre pays ? Effectivement, chacun rejette la responsabilité sur l'autre. La société se développe avec l'ensemble de ses composantes et quand toutes les institutions jouent leur rôle et se complètent. Or, les parents arrivent à peine à assurer la subsistance de leurs enfants. L'école reproduit le schéma de la société. Les programmes scolaires ne développent pas l'esprit des enfants, ni les poussent à se cultiver. Le système patriarcal est reproduit, avec la mère dans la cuisine avec la sœur et le petit garçon avec son père dehors. Comment acceptera-t-il les femmes à l'extérieur ? sans oublier le fait que son père serait, peut-être, du genre à se comporter mal avec les autres. La mosquée les appelle juste à la prière, sans préciser que si cette dernière ne les discipline pas, cela n'a aucun sens. On leur fait croire que le paradis est lié aux 5 piliers de l'Islam et tout le reste est permis. Quel rôle doivent jouer les parents, l'école et la mosquée pour préparer une nouvelle génération capable d'assumer sa responsabilité et contribuer au développement de notre pays ? D'abord, élever les enfants dans la mixité. Faire faire aux enfants les mêmes activités. Détruire la suprématie masculine, acquise à la conception. Déconstruire les rapports sociaux du genre tels que le patriarcat les a instaurés. Faire sentir aux enfants, filles et garçons, qu'il n'y a pas de différences entre eux, en dehors des fonctions biologiques de reproduction. Voilà ce que l'école, la mosquée, la famille doivent faire en premier si nous voulons que la société s'assainisse. Quelles sont les solutions possibles à ce problème ? Eduquer selon les valeurs universelles et sortir de l'hypocrisie religieuse qui laisse croire que parce que la société algérienne est musulmane, donc elle est pure. Car toutes les tares existent, la perversité, la délinquance, la pédophilie, l'inceste. Toutes ces violences, ne sont pas l'œuvre des jeunes, mais des vieux, l'ancienne génération qui ose critiquer les jeunes qui ne sont, souvent, que le produit de leurs violences subies.