Risques n Les Algériens ont peur des véhicules de gros tonnage. Il y a de quoi. Ils sont de plus en plus grands et respectent de moins en moins la réglementation. Les chauffeurs de poids lourds, appelés également routiers dans le jargon des transporteurs, réclament beaucoup plus de sécurité lorsqu'ils traversent de nuit les différentes villes du pays. Ils ont raison, eux qui pèsent de plus en plus lourd dans les statistiques. En effet, les poids lourds sont de plus en plus nombreux, de plus en plus gros et représentent donc un risque de plus en plus grand sur les routes du pays. Voilà qui devrait concerner les services de contrôle de la circulation routière, qui ont concocté une série de mesures draconiennes pour les automobilistes, dont le contrôle technique obligatoire. Ces derniers temps, une cascade d'accidents meurtriers a servi de révélateur. Les automobilistes ont peur et disent craindre les poids lourds. Comment pourrait-il en être autrement quand les journaux rapportent leurs innombrables accidents ? Premier accusé : la vitesse. Sur la Rocade sud, un camion de livraison circule bien trop vite en direction de l'est de la capitale. Le chauffeur perd le contrôle de son véhicule qui se met en travers de la chaussée. Deux voitures qui arrivent derrière ne peuvent l'éviter et s'encastrent dans le camion. Bilan : 3 morts. Autre grand classique des accidents de poids lourds : la manœuvre dangereuse. Cette fois la scène se déroule sur l'axe autoroutier des Issers, dans la wilaya de Boumerdès. Un peu à l'aventure, un semi-remorque se déporte sur la voie de gauche pour doubler un autre camion puis, dans la foulée, une voiture. En sens inverse, surgit alors un poids lourd. Le chauffeur du semi-remorque est obligé de se rabattre en catastrophe. L'arrière de son véhicule heurte alors la voiture qui prend feu et explose. Un coup de volant dans l'autre sens et le semi-remorque va s'écraser sur le poids lourd. Bilan : les quatre occupants de la voiture sont brûlés vifs. Des exemples de ce type, les policiers et les agents de la Protection civile en citent à la pelle. Et personne n'aura oublié le remake de Duel joué brillamment par un jeune routier au volant de son 20 tonnes. Après 19 heures de conduite sans lever le pied, il percute à l'entrée de Khemis El-Khechna 13 véhicules. Seul un miracle a fait qu'il n'y a eu aucun mort ni blessé grave. En 2009, les accidents des poids lourds ont entraîné la mort de 152 piétons, 56 cyclistes, 49 motocyclistes, 1 002 automobilistes et… 91 routiers à travers le territoire national. Un bilan particulièrement lourd, puisqu'il constitue 26% de la mortalité routière. Sur les routes à grande circulation, c'est carrément le carnage : 48% des tués sont à mettre au palmarès des poids lourds. «Ce n'est pas qu'ils provoquent davantage d'accidents que les voitures, explique un motard chargé de la circulation routière, mais leur présence massive, dans la journée particulièrement, alourdit toujours l'addition. Ainsi, quand nous recensons en moyenne 6 tués pour 100 accidents corporels, avec un seul camion dans le coup il faut tabler sur une quinzaine de tués.» Les autorités elles-mêmes commencent à s'inquiéter de cette montée en puissance des accidents de la circulation routière. Selon une source au niveau de l'Office national des statistiques (ONS), «depuis une dizaine d'années, avec le déclin du rail, la route récupère la plus grande part du trafic de marchandises. Ainsi et par ricochet, nous avons recensé une progression annuel des accidents de l'ordre de 10%.»