Résumé de la 4e partie n Malgré les réticences des médecins, la Mamma parvient à retirer son fils de l'asile... Pasquale a trente ans, à présent, et sa mère soixante-douze. Il est fort et bien nourri. Elle vieillit et se rapproche de la mort insidieusement. En dix ans, elle n'a réussi qu'à tirer quelques fils de l'écheveau embrouillé qu'est devenu le cerveau de son fils. Il ne se cogne plus la tête contre les barreaux, il ne se mord plus les doigts, il chante. Il parle parfois presque normalement : «Mamma ? Quelle couleur ont les pierres du chemin ? — Blanches, mon fils... — Mamma ? Je les ai rêvées noires... — C'était un mauvais rêve, mon fils. Mamma te jure qu'elles sont blanches. — Mamma ? Montre-les-moi. Je veux les voir. Si tu dis vrai je te croirai.» C'est une lueur d'espoir, peut-être, mais la Mamma hésite. Que ferait l'homme en blouse blanche ? Elle ne sait pas. Alors, elle prend son fils par la main, ouvre la cage, et marche avec lui sur le chemin rempli de soleil. «Tu vois, les pierres sont blanches, Pasquale, regarde, elles sont blanches comme je t'ai dit...» Pasquale regarde la pierre, blanche en effet, puis son regard devient fixe. Il a vu l'ombre de la pierre, l'ombre noire. Il n'écoute plus sa mère, il est perdu, seul, elle lui a menti. Les pierres du chemin sont noires. La Mamma les voit blanches, mais lui, il les voit noires. Chaque pierre du chemin a son ombre noire, il le savait. Il lâche la main qui le guidait depuis des années, il recule, il ne voit plus sa mère, il ne voit plus rien que les ombres noires, et il court, il fuit, terrorisé par sa propre folie, sûr de sa logique, et seul avec elle. Désespérément. Au lendemain, la police a ramené Pasquale, attaché comme un forcené, des menottes aux mains et aux pieds. On l'a transporté à Palerme, à la prison, la vraie, celle des assassins. Il avait étranglé une femme sur son chemin. Il n'était plus rien, il bavait, et marmonnait sans cesse quelque chose d'incompréhensible qui parlait de pierres noires et de pierres blanches. Il avait tué et on l'enfermait pour toujours. Dans un asile de pierre et de barreaux. Il ne réclamait plus sa mère. Il était mort pour elle. Alors, la Mamma a repris une dernière fois le chemin. Seule et à pied. Elle a demandé à embrasser son fils. Elle est entrée dans la cellule, encadrée de deux infirmiers méfiants. Pasquale était accroupi, comme une bête, sans regard, et sans vie. Elle a dit : «Lève-toi, Pasquale !» Il ne bougeait pas. Une deuxième fois, la Mamma a ordonné doucement : «Lève-toi, Pasquale !» Il n'entendait plus. Alors elle s'est approchée, et l'a pris dans ses bras. Elle a soulevé ce grand corps inerte, avec une force incroyable. Elle l'a serré contre elle. Et il est retombé. Mort. Un poignard dans le cœur. Elle le tenait encore dans sa main tremblante, et les infirmiers n'avaient pas eu le temps d'intervenir. Au procès, à Palerme, la vieille femme n'a rien dit. Qu'une phrase. Une seule : «Personne n'aurait eu le courage de le tuer. Il le fallait. C'est moi sa mère.» La Mamma est morte en prison, une semaine après le procès. A l'âge de soixante-quinze ans.