Des soupçons pèsent, aujourd'hui, à Toulouse, sur des policiers de la Sûreté urbaine qui se seraient employés, dans un cas au moins, à protéger le tueur en série Patrice Alègre. Pour le coup, ils pourraient avoir classé un peu vite au rayon des affaires «non élucidées» le meurtre d'une prostituée dans un hôtel du quartier de la Gare, la nuit du 2 au 3 janvier 1992. Reprenant l'enquête 11 ans plus tard, les gendarmes de la cellule «Homicide 31» ont pourtant retrouvé, sans trop de peine, un témoin du meurtre, une autre prostituée. Elle leur a expliqué que Line Galbardi avait été «exécutée» cette nuit-là par Patrice Alègre. Line, en effet, avait dénoncé Alègre, homme de main de maquereaux locaux à la brigade des m?urs, encore pour le meurtre d'une prostituée. Et cette brigade, décrite par ce témoin comme truffée de ripoux, aurait aussitôt alerté ses macs... Y aurait-il désormais une affaire dans l'affaire ? Le procureur de la République, Michel Bréard, vient en tout cas d'accrocher une troisième médaille au veston de Patrice Alègre. Déjà condamné à perpétuité en février 2002 pour six viols et cinq meurtres, ce dernier a encore une enquête de la gendarmerie sur le dos pour cinq autres meurtres que la police n'a pas élucidés, dont celui de Line Galbardi. Dorénavant, il aura à se coltiner une nouvelle information pour «viols aggravés et complicité» et «proxénétisme en bande organisée». Cette information, précise le procureur, vise «Patrice Alègre et tous les autres»... Quelques policiers, dont un au moins toujours en poste au commissariat de la ville, pourraient être dans le collimateur. Quand la petite équipe de la Sûreté arrive à l'hôtel de l'Europe, ce 3 janvier 1992 au matin, elle découvre le cadavre de Line Galbardi soigneusement recouvert d'une serviette de bain et déposé sur un lit refait, parfaitement bordé. La jeune prostituée est morte étranglée, mais aucune trace de lutte n'est relevée. Son sac à main et l'argent qu'il contenait sont retrouvés sur les lieux. Les enquêteurs ne s'embarrassent pas de ces circonstances : ils concluent que ce meurtre ne peut être que «l'acte d'un client» de Line Galbardi. Ils ont d'ailleurs une piste : un sac en plastique retrouvé dans la chambre, contenant des oripeaux et un exemplaire du journal L'Indépendant de Perpignan. Puisque la jeune femme est réputée avoir exercé un temps en Espagne et que Perpignan en est une entrée, c'est outre-Pyrénées qu'ils iront se perdre le temps de quelques investigations sans résultats... En Espagne : loin de Toulouse, donc, et du quartier de la Gare Matabiau où la brigade des m?urs de la Sûreté urbaine n'aurait rien dû ignorer des activités de Line Galbardi qui exerçait dans le secteur depuis le mois d'août 1986. Aucune question ne sera posée aux prostituées du voisinage de l'hôtel, ni à son proxénète. Entendu par un substitut du procureur 22 jours après le meurtre dans le cadre d'une autre affaire de m?urs, Lakhdar M., pourtant connu dans le milieu pour être son «protecteur», ne sera, à aucun moment, interrogé sur le sort de Line. La curiosité professionnelle n'a pas étouffé non plus la brigade des stups de la Sûreté. (à suivre..)