Anomalie n Des citoyens pointent un doigt accusateur vers les élus locaux. Des caves, propriété de la collectivité, sont transformées en locaux commerciaux ou en habitation... «Nous vivons dans une jungle où chacun agit à sa guise. Notre quotidien est devenu un calvaire. Nos élus locaux sont portés aux abonnés absents. Dès qu'ils sont coincés, ils nous font miroiter une panoplie de promesses sans lendemain.» C'est en résumé, le propos de certains membres de l'association Essalem et de la population de Dergana, située dans la localité de Bordj El-Kiffan. Ici l'anarchie, le laxisme et le laisser-aller ont tissé leur toile. Au pied des immeubles, l'incivisme de certains citoyens a conduit à la bidonvilisation de la cité : des routes délabrées, des espaces verts entourés de grillage et de roseaux sont squattés sauvagement. D'autres accaparent des espaces à l'aide de ferraille, de parpaing et autres matériaux qui les dénaturent, un éclairage public défectueux dans sa globalité alors que des luminaires sont installés. «Ils ne servent à rien, ils ne sont là que pour le décor», nous dit-on. C'est aussi, comble de l'ironie, une cité où l'absence de chaussée fait cruellement sentir. En outre, les bâtisses sont sales et pas entretenues, les conciergeries sont cédées à des particuliers. Et à proximité d'une école primaire, le danger est permanent. Depuis plus d'une quinzaine d'années, un immense tas de ferraille et de béton est exposé sur un chantier à l'abandon. Et pour corser l'addition, la population, en particulier la gent féminine, se plaint de l'insécurité, de la multiplication des actes de délinquance et des consommateurs de drogue. Les représentants d'associations et la population n'y vont pas avec le dos de la cuillère pour tirer à boulets rouges sur les élus locaux. «En sus d'être d'excellents acteurs en matière de gabegie, nos élus locaux détiennent la palme des responsables qui méprisent leurs administrés. Il suffit d'annoncer qu'on est citoyen de Dergana pour être mis à la porte de la municipalité, invoquant pour cela une multitude de prétextes. Entre autres, celui de la réunionite», nous disent plusieurs citoyens. Un autre problème et pas des moindres se pose avec acuité à cette population. Un appartement en préfabriqué, dont la salle d'attente ne dépasse pas une dizaine de mètres carrés, a été transformé en bureau de poste au profit d'une population de plus de 15 000 âmes. «Pour un quelconque retrait de fonds, nous sommes dans l'obligation d'aller en ville. Ce qui n'est pas une mince affaire pour les retraités et les invalides qui utilisent comme moyens de locomotion, des transports clandestins», dénonce un quinquagénaire. Depuis le 23 janvier 1993 à nos jours, les habitants de Dergana, par le canal de leurs associations, n'ont pas cessé d'alerter leurs élus pour une prise en charge de leur cité. C'est effectivement un volumineux dossier que nous remettent les représentants de plusieurs associations. «Ce n'est pas possible ! Avec un dossier aussi consistant, nos élus ne sont pas sortis de leur hibernation. Nous continuons à vivre le calvaire et à manger notre pain noir.» Ce dossier porte notamment sur la transformation de plusieurs caves, propriété de la collectivité, en locaux commerciaux avec la bénédiction de la direction de l'emploi de jeunes, ou en habitations sous l'œil complice des autorités locales. Des logements vides sont squattés et les riverains parlent même d'un usage à des fins trabendistes. «Nous n'avons pas cessé de harceler les autorités au sujet du bitumage des routes de notre quartier et la mise en place de trottoirs. En vain», nous avouent plusieurs citoyens, dont les plus dépités, à l'image de ce locataire du bâtiment n°10 de la cité des 297-Logements ou ce retraité de la Sonatrach qui nous diront : «Les routes bitumées, c'est pour les riches. Pour les autres, ce sont les pistes et les gouffres qu'il faut traverser au risque de casser les cardans de nos véhicules.» Nous avons insisté pour prendre attache avec le P/APC de Bordj El-Kiffan pour avoir son avis. Sans résultat. Celui-ci semble décidé à maintenir le black-out face à la presse.