Canicule Le mois d'octobre est particulièrement chaud, cette année. Il est vrai que l'été a été torride, mais en ce mois, même quand la sécheresse sévit, il y a toujours, ne serait-ce que l'après-midi, un peu de douceur. Mohamed, qui arrive de Paris, a senti, dès sa descente d'avion, la bouffée d'air brûlant. Et dire qu'en sortant de chez lui, ce matin, pour se rendre à Orly, il a mis un pull et un imperméable. Son frère, Mustapha, qui l'a accueilli à l'aéroport, a souri en le voyant ainsi accoutré. ? Tu te trompes de saison, toi, lui a-t-il dit. A moins que tu n?aies oublié que tu te rendais en Algérie et non au pôle Nord ? Comment vas-tu, grand frère ? ? Et toi petit frère ? ? Bien. Il a souri et il l'a embrassé en le serrant longuement contre lui. Il y a si longtemps qu'il ne l'a vu et il le trouve changé. ? Et mère, demande-t-il, et père ? Et la grand-mère ? Et les filles ? Et les garçons ? ? Tout le monde va bien, tout le monde t'attend. Donne-moi ta valise ! ? Elle est trop lourde pour toi. Prends plutôt les cabas ? C'est toi qui prends les cabas ! Et d'une main ferme, Mustapha prend la valise. Mohamed a oublié que son «petit frère» a grandi et qu'il est devenu un beau jeune homme vigoureux. D'ailleurs, s'il est de retour au pays, c'est pour assister à son mariage. ? Allez, dit Mustapha, en route pour El-Asnam, le taxi nous attend. Un taxi, que Mustapha a loué, est là, dans le parking de l'aéroport. Le jeune homme met les bagages dans la malle, ils s'installent et la voiture démarre. Mohamed est très ému. Il faut dire que voilà plus de dix ans qu?il est parti et il n'est pas revenu une seule fois. Il écrivait de temps à autre et depuis qu'on a installé le téléphone, il appelle. Son grand-père et deux de ses oncles sont morts sans qu'il ait fait le voyage : il pensait avant tout à son travail et à sa situation, tout le reste était secondaire. Mais depuis quelques mois, il est pris par le mal du pays et voilà que l'idée de revoir les siens l'obsède. C'est alors que son jeune frère Mustapha l?a appelé pour lui dire qu'il se mariait dans quinze jours. Il s'est d'abord étonné d'apprendre la nouvelle : en fait, Mustapha l'avait informé quand il s'était fiancé, mais il l'avait vite oublié. ? Tu viendras ? avait demandé Mustapha, sceptique. ? Bien sûr, avait-il répondu, outré par le ton. Tu ne me crois pas ? ? Je te crois, mais comme tu es très occupé? ? Je trouverai le temps nécessaire pour assister au mariage de mon petit frère ! ? Alors, je viendrai t'attendre à l'aéroport. Et il a fait le voyage... Il s'est débarrassé de son imperméable et de son pull et il a retroussé les manches de sa chemise. ? Dis-moi, demande-t-il à Mustapha, il fait aussi chaud à El-Asnam ? ? Plus ! dit Mohamed. (à suivre...)