Ambiance n La lumière pourpre enveloppe les rues silencieuses. Quelques minutes seulement après l'adhan, les artères désertes s'illuminent déjà. A peine un quart d'heure après l'adhan, les fumeurs sortent et on les devine rien qu'à ce bout de braise incandescent qui luit dans le noir. Les enfants aussi prennent d'assaut la grande place. A Zéralda, la placette qui se trouve au milieu du village a déjà été nettoyée pour la saison estivale et deux grands kiosques y ont même vu le jour. Ce qui a créé une ambiance très conviviale dans une cité réputée balnéaire, en perpétuelle concurrence avec sa voisine, Staouéli. Il y a, comme cela, des traditions qui vont mieux à une ville et pas à une autre. Staouéli a, depuis belle lurette, acquis ses lettres de noblesse avec ses brochettes et ses glaces, et quand vient le ramadan, elle fait étrangement jeu égal avec Zéralda. Les soirées de ramadan s'y déroulent dans la même ambiance qu'à Zéralda. Après les cafés, envahis par une marée humaine, c'est à la mosquée de devenir, en début de soirée, le carrefour de toutes les sérénités. Et c'est en groupes alertes que les fidèles pressent le pas pour accomplir les tarawih. La voix du muezzin domine toute la ville et quand commence la prière, l'ambiance est empreinte de cette quiétude ponctuée par la voix du récitant. Les rues alentour sont prises d'assaut par les fidèles qui étalent alors leur tapis de prière à même l'asphalte. Les cafés sont, quant à eux, pleins à craquer se caractérisant d'ailleurs par ce brouhaha que font habituellement les joueurs de cartes et de dominos. On ne s'entend presque plus. Et à quoi bon s'entendre, puisqu'on est là pour jouer. Les rares clients qui discutent, le font à l'extérieur sur la place du village, où des gamins joyeux et surexcités surfent entre les bancs publics. A Zéralda, les soirées s'étirent, entre deux thés à la menthe, quelques cigarettes grillées, sur un fond sonore provenant autant de la bouche des enfants qui s'en donnent à cœur joie que de celle de l'imam qui psalmodie, merveilleusement, les versets du Coran. Et puis, il y a le reste, les soirées pour initiés. Là-bas au complexe touristique, où tous les bars se sont convertis, l'espace d'un mois, en petits casinos sans alcool, où le jeu du loto fait rage. Il y règne un silence religieux, interrompu par le crieur qui annonce les chiffres que les plus chanceux alignent sur le carton à 50 dinars la manche. Le vainqueur qui remporte la cagnotte, peut empocher jusqu'à 5 000 DA. Et rebelote. Il paraît que certains mordus du loto laissent, chaque soir, de grosses sommes sur la table, sans gagner une seule fois. Une véritable fièvre collective qui risque d'être fatale pour les cœurs fragiles. Cette pratique s'est, semble-t-il, généralisée depuis quelques années et, tout en permettant aux tenanciers de réaliser d'excellents chiffres d'affaires, elle attire de plus en plus d'adeptes qui viennent défier le hasard. A Zéralda, comme ailleurs, ce sont deux Algérie qui cohabitent pacifiquement, l'une pieuse qui s'investit chaque soir dans un pan de l'au-delà et l'autre, joueuse, qui se soucie plus d'«ici-bas», rêvant de décrocher la timbale. Minuit sonne. La foule se disperse et la rue commence à retrouver ce calme annonciateur d'un grand silence. Les mosquées ferment, les casinos improvisés se vident de leurs joueurs et le tintamarre des cafés s'estompe peu à peu. C'est l'heure où l'on range les chaises et où l'on compte sa recette. Une soirée s'achève. Bientôt l'adhan d'el-fadjr. Et une autre journée qui s'annonce...