Virée n Il est 9h30, samedi, lorsque nous décidons de faire une halte dans le centre de santé du quartier. La salle d'attente ne désemplit pas : certains attendent depuis une heure le médecin. L'un des patients habite ce quartier depuis une dizaine d'années. Il parle d'un praticien qu'il décrit comme un ange. «Il est aimé par tous ses patients. Il ne se contente pas de soigner uniquement. Il prodigue des conseils aux analphabètes». La seule ombre au tableau : l'agression qu'il a subie en 2005. «Il était 15h alors qu'il s'apprêtait à monter dans son véhicule pour rentrer chez lui, trois jeunes l'accostent et le menacent. L'un d'eux, le manaçant d'une épée, lui prend son cartable et son ordinateur portable». La police est intervenue peu de temps après. Ecœuré, le médecin a fait savoir, dès le lendemain, qu'il s'apprêtait à quitter le quartier, jetant un grand émoi parmi ses patients. «A la fin de la journée, il trouve les noms des trois agresseurs affichés sur le pare-brise de sa voiture.» Durant notre entrevue avec un médecin du centre de santé, nous apprenons qu'une famille a été victime de cambriolage dans son appartement situé à quelques encablures de la polyclinique. «Tous les objets de valeur ont été dérobés», nous dit-on.Il est 11h. Lakhdar, 80 ans, est accoudé à sa fenêtre du 1er étage de son immeuble. Handicapé, il ne sort plus de chez lui. C'est un voisin de palier qui lui fait ses courses. Récemment, le vieil homme, naïf, a ouvert la porte à ses agresseurs, qui lui ont dérobé toutes ses économies. Messaouda, une octogénaire, aux cheveux grisonnants, ne sort jamais avec son sac à main. «Moi, je mets tout mon argent dans un mouchoir bien enfoui dans ma poitrine. D'autres, encore naïves, portent leur porte-monnaie à la main. Comme pour dire aux voleurs : «Je suis là, vous pouvez y aller», explique-t-elle. Une précaution qui n'est pas superflue puisque durant notre séjour dans ce quartier à risques, cinq personnes se feront voler leur bourse à la sortie des commerces. Pour éviter tout risque d'être agressée, Messaouda n'ouvre sa porte qu'après un signal particulier. Quand ses enfants viennent la voir, ils l'appellent un quart d'heure avant d'arriver. Dans les escaliers d'un immeuble mitoyen, nous croisons une retraitée, Fatma, 67 ans. Un panier à la main, elle fait ses courses seule. Elle nous invite sur son palier, au 5e étage. Des corbeilles de fleurs ornent les lieux. «ça change du reste, non ?», nous lance fièrement notre interlocutrice, qui a emménagé ici en 1990. Fatma ne partirait pour rien au monde ailleurs. «Je me plais ici et je n'ai pas peur des délinquants. Les jeunes, je les ai vus grandir, il faut savoir leur parler.» Sur le palier, les locataires se connaissent tous. Ils s'échangent des plats en ce mois de ramadan. «Les enfants de mes voisins de palier m'appellent Tata», s'amuse à dire Fatma, qui a offert des crayons de couleurs pour la prochaine rentrée scolaire à quelques enfants scolarisés de l'immeuble. Il est 23h40 quand nous nous rendons avec notre «guide», dans un autre immeuble. Dans le hall, une dizaine de jeunes squatte la cage d'escaliers totalement enfumée. Ils y fument des «joints». On ne note cependant aucune hostilité. Et on a même droit à un «saha f'tourkoum». Du 2e étage, nous parvient un bruit de voix, celle d'une femme, en compagnie d'un homme, qui fume un joint. «Il est réputé dans toute la cité pour être un homme dangereux et agressif», nous apprend notre «guide».