Moins de m�decins qui ont moins de temps, des demandes de plus en plus nombreuses, une m�dicalisation � outrance, un personnel param�dical peu nombreux, peu qualifi� : et nous voil� devant un afflux de malades aux urgences. Un service qualifi� de �thrombose� n�cessitant une prise en charge urgente ! Mais les patients y sont-ils mieux soign�s ou plus vite trait�s ? C�est un autre param�tre qui n�est pas forc�ment essentiel dans l��quation des responsables. Wassila Z. - Alger (Le Soir) - Les malades le savent et ils exigent d��tre soign�s au mieux des connaissances scientifiques. Chaque jour, ils sont encore plus nombreux � se pr�senter au service des urgences des diff�rents h�pitaux de la capitale. Devant cet afflux, mauvaise gestion, failles et d�bordements prennent le dessus. Les caract�ristiques des divers services des urgences. Il est � peine midi en cette journ�e de canicule au CHU Mustapha-Pacha, l�une des plus anciennes structures hospitali�res de la capitale. A peine arriv�s devant la porte de l'h�pital que l'angoisse est au paroxysme. Nul n�aime ces lieux. En ce d�but d'apr�s-midi, le service m�dico-chirurgical est en pleine effervescence. Ici, m�me si les patients reconnaissent les qualit�s du personnel, ils d�noncent des locaux mal adapt�s, une signal�tique peu efficace mais surtout l�attente. Oui, de longues heures d'attente auxquelles les patients ont du mal � trouver une explication. Au milieu de ce brouhaha, des sir�nes d'ambulances retentissent. Aussit�t, des patients sont accueillis. Le m�me sc�nario se r�p�te : va-et-vient incessant du personnel soignant, salle d'attente bond�e de patients, m�decins d�bord�s. Les quelques m�decins approch�s nous refuseront un entretien. Nous aurons droit chaque fois � la m�me r�ponse : �Il faut vous munir d'un ordre de mission.� Las, nous apostrophons un infirmier. �Nous recevons �norm�ment de cas de BCV (blessures et coups volontaires), d'intoxications alimentaires et de victimes d'accidents de la route�, pr�cise cet infirmier qui a requis l'anonymat. Selon lui, le personnel param�dical fait face � de lourds probl�mes. �Nous avons � nous occuper de toutes sortes de malades : des patients parfois agressifs, drogu�s ou d�pressifs. Nous faisons constamment face � des menaces d'agression�, explique ce technicien de la sant�. La discussion nous mena progressivement, une fois de plus, au probl�me du statut particulier du personnel param�dical. �Il faut songer � prendre en charge nos dol�ances et � nous s�curiser �, lancera une autre infirmi�re. En ces jours de canicule, les services des urgences enregistrent un nombre important de personnes �g�es. �Elles supportent mal la chaleur �, nous explique-t-on. Parmi les patients assist�s, nous avons des diab�tiques, des personnes hypertendues, beaucoup de fractures, mais surtout des intoxications alimentaires, l'�t� �tant une p�riode propice � ce genre de cas. Les malades sont pris en charge selon la gravit� de leur cas. Mais devant l'attente qui se fait longue, les patients et leurs accompagnateurs s��nervent. Alors, les gens �crivent et p�titionnent. �On se retrouve toujours face � des gens qui haussent le ton�, soutient-on. Ici, les patients (un d�nominatif bien m�rit�) doivent s'armer de patience. Certains attendent plus de 2 heures avant de voir un m�decin. Et d'autres fois, �les attentes se font plus longues�, t�moignent des malades. Devant la salle de soins, une dizaine de patients attendent. Un sexag�naire en d�tresse respiratoire est allong� sur un brancard, devant cette salle. Il attend d�j� depuis quelques minutes, accompagn� de sa femme et de ses deux enfants. Evacu� en urgence vers cet h�pital, �il a du mal � respirer�, explique sa fille. Un quart d'heure plus tard, ce pauvre vieillard, souffrant, a beaucoup plus de mal � respirer. Il devra patienter encore un bon quart d'heure avant qu'on ne daigne s'occuper de lui. Des radiographies du thorax lui sont recommand�es. Assis au milieu de ces patients �impatients �, nous avons droit � plusieurs t�moignages. Ammi Mohammed, septuag�naire, est aujourd'hui venu s'enqu�rir de l'�tat de son voisin, qui se trouve dans un coma profond depuis huit jours. Les urgences! Ammi Mohammed en a v�cu un �pisode. A la vue du patient en d�tresse respiratoire, il nous raconte son histoire. Il y a quelques mois, il a �t� accueilli dans un service similaire. �J'ai eu des palpitations, une forte pression sur la cage thoracique et des fourmillements au niveau de l��paule gauche et du cou�, nous explique-t-il. Un peu paniqu� devant ces sympt�mes que le patient affrontait pour la premi�re fois, ses enfants l'ont transport� aux urgences. Apr�s une courte description des sympt�mes, le m�decin a d�cid� de faire des examens compl�mentaires : t�l�thorax. Le m�decin consultant lui fera un �lectro-cardiogramme et ne trouvant la cause de ces fourmillements, demande � ses enfants de se rendre aux urgences cardiologiques. �A peine arriv�, j'ai �t� pris en charge par deux internes, m�me pas capables de me faire une prise de sang correcte pour rechercher les causes qui seraient annonciatrices d�une crise cardiaque imminente�, d�nonce-t-il. �Il �tait presque minuit quand je suis arriv� aux urgences o� on m�annonce que la prise de sang ne r�v�lera rien de sp�cial. � Le patient restera tout de m�me jusqu'au matin pour effectuer une deuxi�me prise de sang afin de confirmer le diagnostic. Perfus� au glucose, il trouvera le sommeil tard dans la nuit. Le lendemain, une deuxi�me prise de sang est effectu�e. Elle se r�v�lera n�gative. Le patient lib�rera la chambre pour attendre le m�decin chef qui signera son bon de sortie. A la fin de son r�cit, ammi Mohammed, tient � pr�ciser : �Ne prenez pas cela comme une critique de l'action de tel ou tel m�decin, intervenant dans les soins, ou de leurs partenaires infirmi�res, brancardiers ou secr�taires, ils font ce qu'ils peuvent. Les moyens manquent, et les salaires sont minables.� Il est 13h05. Le nombre de patients ne cesse d'augmenter. Deux agents de la Protection civile assistent un malade. Il s'agit d'un quadrag�naire accompagn� par un ami. Il balbutie des propos incompr�hensibles. Un des agents se montre tr�s attentif et essaie de le calmer. �C'est un d�pressif. Il a fait une grosse crise de panique, s'est ru� par terre, mais nous avons fait le n�cessaire �, dira cet agent. Cinq minutes plus tard, ce patient sera examin�. Apr�s une bonne dose de glucose, Ly�s est remis sur pied. Une demi-heure apr�s, il quitte les urgences pour regagner son domicile. Pour les agents de la Protection civile, le plus dur, c'est l'assistance des victimes d'accidents de la route. �C'est la p�riode des tentatives de suicide�, lancent-ils. �Vous savez avec les r�sultats du bac, leur nombre va augmenter. Allah yastar�, diront-ils. �Pour avoir �t� hospitalis�e au CHU Mustapha, je dois dire que les infirmi�res font un travail exceptionnel. Le probl�me qui se pose est le nombre insuffisant de personnel param�dical �, dira Mme Ghania. Et ajoutera-t-elle : �C'est la qualit� du service qui en p�tit.� Surcharge et mauvaise gestion Hallucinantes, les nuits aux urgences, vous diront les patients ! Les m�decins passant presque plus de temps au t�l�phone � chercher des lits qu�� soigner les entrants. Interrog� sur les d�faillances relev�es dans plusieurs services, sur leur surcharge �galement, un param�dical rencontr� dans l'enceinte de l'h�pital nous explique qu'�elles r�sultent de multiples erreurs dans la gestion de la sant� de mani�re g�n�rale�. Et nul ne contestera le manque de m�decins traitants et de personnel param�dical qualifi�. Aussi, il rel�vera l�augmentation du nombre de patients se pr�sentant aux urgences. En plus de la diminution des structures d'accueil, les professionnels de la sant� parlent d'une �surm�dicalisation�. Tout est m�dicalis� : de la crise familiale au probl�me sentimental, en passant par l'�chec professionnel. Tous ces maux n�cessitent l�appel du m�decin. Les m�decins priv�s et ceux exer�ant dans des dispensaires ont quasiment abandonn� les petits gestes. Tous ces petits bobos, telles les sutures des plaies, sont toutes envoy�es aux services des urgences. Pourquoi ? �Parce que le prix que le m�decin demandera au patient ne correspond pas � ses d�penses en produits jetables, produits d�sinfectants, fils et autres consommables�, se justifie le Dr A. M., m�decin g�n�raliste. De plus, faire une suture dans de bonnes conditions demande trente minutes, soit le temps moyen de deux consultations. Pendant ce temps-l�, les patients sont dans la salle d�attente et le programme de la journ�e est perturb�. Les praticiens priv�s ne r�pondant pas � une urgence inopin�e dans leurs cabinets, ce sera donc � l�h�pital de s'en charger. Dans les zones rurales o� les structures de soins sont presque inexistantes, le personnel m�dical � du mal � r�pondre aux exigences des patients. Le m�decin ne peut r�pondre � tous les appels de d�tresse et envoie toutes les pathologies, m�me les plus b�nignes aux urgences des grandes villes notamment. Cela explique cette surcharge. De plus, les brancardiers, infirmi�res et secr�taires sont en nombre insuffisant aux urgences et le syst�me informatique est peu performant. Quant � l'hygi�ne, d'�normes progr�s restent � faire. La r�forme hospitali�re ce n'est pas uniquement des investissements dans la construction de nouvelles infrastructures. C'est beaucoup plus des ressources humaines, un personnel hautement qualifi�, des �quipements modernes et une meilleure gestion. En outre, la cr�ation de nouvelles structures de soins de proximit� d�sengorgerait certainement les urgences. Et si Sa�d Barkat faisait une petite visite inopin�e aux urgences du CHU de Bab-El- Oued, en simple citoyen. Il devra alors s'armer de patience et de bon sens, attendra quelques heures pour �tre examin�, devra �subir� la mauvaise humeur du personnel soignant et faire face � l'indisponibilit� de tel ou tel m�dicament...