Résumé de la 89e partie n Mary Cavendish révèle à Hastings que son mari et elle ne sont pas heureux ensemble... Vous ne savez rien de moi, n'est-ce pas ? dit-elle. Ni d'où je viens, ni qui j'étais avant d'avoir épousé John ?... Rien, enfin ! Eh bien, écoutez-moi. Vous allez être mon confesseur. Car vous êtes bon, oui, je suis sûre que vous êtes bon. Fait bizarre, je ne fus pas aussi flatté que j'aurais pu l'être. Je me souvins que Cynthia avait commencé ses confidences à peu près de la même manière. De plus, la rôle de confesseur convient mieux à un homme déjà mûr qu'à un jeune homme de mon âge ! — Mon père était Anglais, dit Mrs Cavendish, mais ma mère était Russe. — Ah ! m'écriai-je, maintenant, je comprends. — Vous comprenez quoi ? — Le sentiment d'un charme étrange que j'ai toujours éprouvé en face de vous. Ma mère était très belle, m'a-t-on dit. Je ne l'ai pas connue. Elle est morte quand j'étais une toute petite fille. Je crois bien que sa mort fut entourée d'une tragédie, elle prit par erreur une trop forte dose de somnifère. Mon père se montra inconsolable. Peu après, il entra dans le service consulaire, et je l'accompagnais dans tous ses déplacements. A vingt-trois ans, j'avais fait à peu près le tour du monde. C'était une vie délicieuse. Un sourire errait sur son visage rejeté en arrière. Elle semblait vivre dans l'évocation de ce passé heureux. — Puis mon père mourut. Il me laissa pour ainsi dire sans ressources. Je fus obligée d'aller vivre chez des vieilles tantes, dans le Yorkshire. Elle frissonna. Vous me comprendrez, si je vous dis que ce fut une existence d'un ennui mortel pour une jeune fille élevée comme je l'avais été. L'étroitesse et la monotonie de cette vie me rendirent presque folle. Et puis j'ai rencontré John Cavendish. Vous pouvez bien penser qu'aux yeux de mes tantes c'était un excellent parti. Mais je puis affirmer loyalement que ce ne fut pas sa fortune qui me décida. Non. Ce mariage m'apportait un moyen d'évasion, dans cette morne existence. Je me taisais. Au bout d'un instant, elle reprit : — Ne vous méprenez pas sur le sens de mes paroles. Je fus tout à fait franche avec lui. Je lui dis, ce qui était exact, qu'il me plaisait beaucoup, que j'espérais même l'aimer un jour, mais que, pour le moment, je n'étais nullement amoureuse de lui. Il se déclara satisfait, et c'est ainsi que nous nous mariâmes... Elle s'interrompit de nouveau quelques instants, fronçant un peu les sourcils, les regards perdus dans le passé. — Je crois, je suis même certaine, qu'il m'a aimée au début de notre mariage. Mais, sans doute, nous n'étions pas des époux assortis. Nous nous éloignâmes l'un de l'autre presque immédiatement. Car, et mon orgueil souffre de l'avouer, il se lassa vite de moi. Sans doute murmurai-je quelque vague protestation, car elle reprit vivement : Oh, mais si ! très vite ! Cela n'a du reste aucune importance aujourd'hui, puisque nous sommes parvenus à un tournant où nos chemins se séparent. — Que voulez-vous dire ? (A suivre..)