L'adoption de la Loi de finances complémentaire (LFC) pour 2011 et, dans le même temps, l'article autorisant l'importation de vêtements usagers a fait couler beaucoup d'encre. L'amendement introduit par une quarantaine de députés au mois de juin dernier a été très mal accueilli par la Fédération des travailleurs du textile et du cuir. Ils étaient 2 000 délégués syndicaux à venir crier à la Maison du Peuple à Alger leur colère au lendemain de l'adoption de ce texte de loi qualifié de «scandale» et d'anticonstitutionnel. Il faut dire que l'octroi d'autorisation à importer un quelconque produit ouvre droit à l'obtention de la devise. Ce qui n'est pas du goût des syndicalistes qui voient en cette mesure une diminution des ressources publiques au détriment du secteur du textile malmené par la concurrence déloyale et l'ouverture commerciale. Des vêtements pour les défavorisés Constat n L'importation et la commercialisation d'articles de friperie se feront désormais dans des conditions réglementées au grand dam du secteur du textile. «A chaque fois qu'un bateau débarque une cargaison de friperie, c'est une usine de confection qui est en difficulté», affirme le secrétaire général de la centrale syndicale après la légalisation de ce commerce qui, de tout temps, a été l'apanage des pauvres. Abdelmadjid Sidi Saïd a toutefois émis le souhait de voir le projet de la Loi de finances 2012 «évacuer» l'article qui a, pour une fois, divisé les représentants du peuple habituellement très passifs. Tout compte fait, ce que les Algériens appelaient communément «chiffon» vient d'être réhabilité par cette loi votée à la majorité par l'APN et le Conseil de la Nation. Pour la minorité, qui s'est opposée à la réintroduction de cette autorisation, l'importation des effets vestimentaires usagés ne peut qu'être contre-productive. Cela nuit à la santé du citoyen, aggrave la crise dont souffre déjà le secteur de l'industrie textile et sert les intérêts d'une catégorie restreinte. Déclarations aussitôt commentées par le ministre chargé des Relations avec le Parlement. «Même en période d'interdiction, ces vêtements étaient introduits en Algérie par voie terrestre», a-t-il indiqué. «Alors autant permettre leur importation par les ports par le biais d'importateurs déclarés et qui possèdent des unités de traitement de ce type de vêtements», a ajouté Mohamed Khedri, précisant que le Parlement est souverain quant à l'introduction dans la LFC, de l'article relatif à l'autorisation d'importation de la friperie. Une activité dont le chiffre d'affaires est estimé «à tout au plus 15 millions de dollars», selon le ministère du Commerce. Mais, à la différence de ce qui se fait sous d'autres cieux où la friperie est gérée par des organismes caritatifs – les vêtements proviennent de dons de particuliers ou achetés au poids, lors de déstockages d'usines ou de magasins traditionnels (faillites, fins de série, soldes invendus, etc.) – en Algérie, ils sont pas moins de 146 importateurs et 3 000 grossistes à s'investir dans cette activité qui emploie 25 000 personnes directement et nourrit indirectement des milliers de familles. Dans ce commerce, qui a longtemps existé dans le cadre informel, notamment à la frontière avec la Tunisie, on compte également environ 15 000 commerçants activant dans la revente en l'état des vêtements. L'intérêt de ce type de magasins réside dans le fait que les prix pratiqués sont à la portée des défavorisés. Ces derniers n'ont d'ailleurs pas manqué de marquer le point sur les différents réseaux sociaux avec un seul mot d'ordre : «A nous le chiffon, à vous les grandes marques !» Assia Boucetta