Les métaphores sur la langue ? l'organe, pas le système de communication ? sont nombreuses : douceur de miel quand elle tient des propos convenables, amertume de fiel quand elle médit... L'histoire de Bouamrane, le vieux sage de la montagne, est, à ce titre, très édifiante. Sa femme, rapporte la légende, lui demanda, un jour qu'il se rendait au marché, de lui rapporter le meilleur morceau de viande qu'il trouverait. L'homme lui rapporta de la langue de b?uf. La semaine suivante, elle lui demanda de lui rapporter des morceaux quelconques. Bouamrane rapporta encore de la langue. «Quoi ! protesta la femme, je te demande un bon morceau de viande, tu me rapportes de la langue, je te demande un morceau quelconque et tu me rapportes encore de la langue ! Bouamrane serait-il incapable de distinguer entre le bon et le mauvais ? ? Ce n'est pas moi qui ne fais pas la distinction entre le bon et le mauvais, mais la langue ! Elle est capable du meilleur comme du pire !» Cette histoire rappelle les langues d'Esope, un autre sage que l'on dit Grec mais dont les origines, d'après certains auteurs, pourraient bien être africaines. Langue mielleuse, langue fourchue dit le Français ; langue douce, langue empoisonnée, dit l'Algérien. La langue, c'est encore la parole donnée : «Un b?uf se tient par la corne, dit un proverbe que l'on retrouve un peu partout, l'homme se tient par sa langue, c'est-à-dire sa parole» ; et l'un des serments par lequel on s'engage est : «Que ma langue soit coupée si je manque à ma parole !» Ce n'est qu'une image, aujourd'hui, mais il n'est pas interdit de penser qu'autrefois, on coupait la langue des parjures !