Elle était toujours en train de les irriguer, quand deux oiseaux, l?un noir comme jais et l?autre blanc comme lait, jaillirent du firmament. Telle une tornade, ils foncèrent sur la petite plantation ; à leur passage et en un instant, celle-ci fut dévastée. Pour arrêter le saccage, la princesse arracha le diadème en diamant qui ornait son noble front, et le lança contre eux. Comme par magie, les oiseaux prestes se saisirent du bijou, et en un instant furent aspirés par la voûte céleste. Alors, la jeune fille s?écroula de douleur et, de ranc?ur, pleura toute la nuit la mort de ses splendides fleurs. Mais quelle ne fut sa joie, quand au petit matin elle découvrit que les arbustes avaient repoussé encore plus touffus et qu?ils étaient entièrement recouverts de fleurs plus belles et plus drues qui exhalaient un parfum envoûtant. Elle courut alors chercher de l?eau pour les arroser mais à son retour elle vit deux oiseaux, l?un noir comme jais et l?autre blanc comme lait, en train de détruite à grands coups de bec sa belle plantation. Pour faire fuir les pillards, elle leur jeta sa belle ceinture aux louis. À son réveil, les arbustes portaient à présent non plus de simples fleurs mais une lourde et somptueuse floraison au parfum capitaux. Des gouttelettes d?eau, nichées aux creux de leurs pétales, avaient ce matin capturé toutes les couleurs de l?arc-en-ciel. Toute imprégnée de joie, elle ne vit pas venir les oiseaux, l?un noir comme jais et l?autre blanc comme lait qui se laissèrent tomber tels des boulets et en un instant à grands coups de becs effilés et de leurs griffes acérées ravagèrent l?extraordinaire pépinière. Comme la fois dernière, pour les éloigner la princesse leur lança tout ce qui lui restait de joyaux, après ses colliers de perles rares, ses sautoirs en ambre noir, ce furent ensuite ses fibules en émeraude, elle leur jeta même, un jour, ses lourds anneaux de pieds en or sertis de rubis. Comme par magie, les oiseaux prestes se saisirent à chaque fois des joyaux et, en un instant, furent aspirés par la voûte céleste. Epouvantée, la pauvre Jasmin s?effondra en face de ses plantes saccagées puis se mit à gémir toute la journée et même une partie de la nuit. Jasmin finit pas tomber malade, le roi se rendit un matin à son chevet. Le sultan plein de courroux reprocha alors à sa fille : «Pourquoi ne portes-tu point tes bijoux ? Et pourquoi cette tristesse qui ne sied guère à une princesse aussi choyée que toi ?» «Sire, gémit la pauvre Jasmin, j?ai mâché de la braise et j?en ai bu le feu !». Entre deux sanglots, elle pleura plus qu?elle ne raconta à son père l?histoire des grains de chagrin, qu?un jour elle avait eu l?imprudence de semer, et qu?ils s?étaient ensuite transformés en fleurs de la douleur qui maintenant la torturaient. Le sultan décida sur l?heure que deux de ses plus fins archers darderaient leurs flèches contres les oiseaux pilleurs. Aux premières lueurs du jour, quand les deux oiseaux, l?un noir comme jais et l?autre blanc comme lait, se posèrent sur la petite plantation, les soldats du roi décochèrent sur eux une pluie de flèches. L?oiseau noir qui arrivait toujours en premier eut l??il crevé, il étendit son aile et protégea ainsi la fuite de l?oiseau blanc. Les volatiles ne revinrent jamais plus. Mais depuis que les quelques gouttes de sang de l?oiseau noir étaient tombées sur la plantation, celle-ci fanait peu à peu ; les boutons laissèrent pencher leur petite tête, les fleurs perdirent leurs pétales et les arbustes à leur pied laissèrent tomber leurs feuilles. (à suivre...)