Le jour où Ouarda devait quitter la pauvre cabane pour le palais, le roi fit parsemer de pétales de rose tout le chemin qu?elle devait emprunter. On célébra pendant sept jours et sept nuits les noces. Mais fidèle à son serment, Ouarda passa sa première nuit au château à rendre grâce à Dieu dans son c?ur, les yeux fixés vers les cieux et le visage tourné vers l?Orient. A l?aube, du fond du jardin, elle entendit la voix d?un djinn rouge qui disait : «Ouarda plus belle que rose et que jasmin, veux-tu donner pour héritier au roi, foi de lutin, un garçonnet qui mourra dans ses langes, ou une fillette plus belle qu?un ange, mais qui aura épreuves et tourments pour destin.» Ouarda répondit : «Si la fille a la volonté de la mère, elle saura surmonter toutes les misères. Et changera le cours de ce funeste destin.» Le djinn rouge disparut dans la nuit et, neuf mois plus tard, la septième épouse du roi mit au monde une fille magnifique. Le roi et son épouse protégèrent l?enfant et la veillèrent jalousement. Ils firent grandir la fillette à l?abri du mal, la faisant vivre en recluse. «Bouton de rose», car tel était son prénom, atteignit l?adolescence ignorant tout du monde. Elle devenait chaque jour plus belle car elle avait hérité de la beauté de sa mère, elle en avait le teint de rose délicat, les yeux limpides et une chevelure dorée et abondante qui lui tombait jusqu?aux talons. Chaque matin, avec un peigne d?or serti de diamants, deux esclaves lissaient pendant des heures les cheveux de la princesse, pour rendre l?opération moins pénible, la reine conseilla à sa fille, quand le temps le permettait, de se faire coiffer sur la terrasse au grand soleil. Les jours, les mois et les années tourbillonnèrent sans que l?on sache où et comment ils s?en allèrent. Un matin, Bouton de rose dit à sa servante, en lâchant sa longue chevelure : «Aujourd?hui, j?ai vingt ans ; je veux changer de coiffure.» Avant même que la servante ne répondît, un oiseau de jais fondit sur la princesse, arracha le peigne en or de ses cheveux et disparut. Sept matins consécutifs, le volatile noir s?abattit sur la tête de Bouton de rose lui enlevant brutalement le peigne serti de diamants et, on ne sait comment, l?oiseau était aspiré par le firmament ! Le roi interdit alors à sa fille de monter sur la terrasse, on coiffa alors la princesse volets et portes fermés. Se rappelant la prophétie du Djinn rouge, la reine fit venir Dabbar el-Soltane et lui raconta comment les peignes par l?oiseau avaient été dérobés. Le conseiller, ennuyé, répondit : «Cet oiseau appartient à un prince sanguinaire qui porte sept masques. Ce tyran vit cloîtré, depuis de longues années, dans l?obscurité la plus complète. Nul ne peut se vanter d?avoir vu sa face sans que cela lui en coûte la vie. Chaque jour, une servante franchit successivement trois portes, lui sert son repas et partage son lit. Le lendemain, la malheureuse est sacrifiée sur l?autel.» La reine, affolée, s?écria : «Mais comment faire pour éloigner cet oiseau de malheur ? Ma petite princesse en a tellement peur !» El-Dabbar reprit : «Comme chaque année, notre souverain s?en va en Terre sainte, qu?il s?arrête donc en Arabie où vit justement le prince aux sept masques et qu?il lui demande pourquoi l?oiseau de nuit poursuit ainsi sa fille !». Quelque temps après, le roi s?embarqua sur son navire au grand mât, et quitta Alger pour l?Arabie. Après avoir accompli son pèlerinage, il se rendit chez le grand sultan d?Arabie, son ami, et lui demanda la permission de rencontrer son fils, le prince aux sept masques. Le grand sultan fit accompagner notre roi par des gardes qui lui ouvrirent deux portes du palais et le laissèrent devant la troisième en lui disant : «Si vous tenez à la vie, Majesté, ne franchissez pas le seuil de cette entrée.» Le roi, qui était sage, ne prit pas ce risque et par la serrure demanda : «Prince aux sept masques, je viens me plaindre à vous, votre oiseau de nuit harcèle ma petite princesse. Depuis, de peur d?être attaquée par ce volatile, ma fille vit cloîtrée.» Une voix lui répondit... (à suivre...)