Projection Ecrivains des frontières est un carnet de voyage, un film, un vécu qui se dit, se raconte sans superflu ni redondance. La bibliothèque nationale du Hamma a abrité la quatrième édition du café «son et image» où a eu lieu la projection de Ecrivains des frontières, un film-documentaire réalisé par Samir Abdallah et José Reynès. Ce long-métrage raconte une délégation d?écrivains de nationalités différentes (française, espagnole, italienne, portugaise, américaine, nigérienne, sud-africaine et chinoise) qui ont effectué un voyage en Israël, notamment en territoires occupés pour répondre à l?appel du poète palestinien Mahmoud Darwich, membre fondateur du Parlement international des écrivains, et qui se trouve, comme tant d?autres Palestiniens, assiégé à Ramallah. Chacun des écrivains raconte la Palestine dans sa langue. «Comme il (Mahmoud Darwich) ne pouvait par venir à nous, car sa ville a été assiégée par l?armée israélienne, nous avons décidé d?aller vers lui», dit l?écrivain français Christian Salmon, membre de la délégation internationale. Les écrivains sont venus aussi en Palestine pour manifester aux côtés des Palestiniens contre la domination israélienne. «Nous voulons écouter et faire entendre d?autres voix dans le fracas de la guerre, celle des écrivains, des artistes, des universitaires, de tous ceux qui préparent l?avenir?», dit l?écrivain français. Et d?ajouter : «Nous sommes venus en Palestine pour opposer à la logique de la guerre, non pas une force d?interposition mais des forces d?interprétations.» Le récit cinématographique s?ouvre sur la ville assiégée, Ramallah, où la caméra sillonne la ville à la rencontre de la population civile, des Palestiniens humiliés, spoliés de leur liberté, de leurs droits. La caméra parcourt également les villages limitrophes de Ramallah. Ces écrivains se veulent des porte-voix, celles des Palestiniens qui souffrent, qui pleurent. Le film, symbolique de par sa profondeur, dénonce les abus du gouvernement israélien et ses pratiques inhumaines, voire fascistes. «Israël se réclame comme étant un Etat de droit, alors qu?il refuse aux Palestiniens leurs droits», dit une voix dans le film. Ces écrivains nous parlent de la Palestine, ils nous retracent le vécu des Palestiniens, difficile et éprouvant. Il y a une scène où l?on voit un soldat israélien en train de couper des oliviers, sans hésitation ni trouble de conscience, et face à cette violence faite aux arbres, aux hommes, un homme, le propriétaire de la plantation, regarde, impuissant, le massacre, pleurant l?injustice et le mépris. Il pleure les arbres et son existence dans le champ palestinien d?où jaillira plus tard le «mur» qui va séparer Israël de la Palestine, «le mur de la honte». Ecrivains des frontières, un film à grande charge émotionnelle, un film qui fait «poindre l?émotion et l?indignation que tout témoin contient en soi devant ces champs de ruine» et qui se veut un témoignage sur l?émiettement de l?espace, la dissolution du paysage, l?instauration des frontières en béton, le film montre de quelle manière la géographie est défaite. La Palestine est tournée et retournée. Elle est défigurée, cicatrisée par les frontières qu?impose la politique d?Israël.