Pressentiment - Le petit garçon a contracté la malaria dans l'île de Pawley où son père est gouverneur de Caroline… La jeune femme se penche sur l'enfant, qui, les yeux fermés, halète doucement. Elle essuie la sueur qui coule de son front puis, délicatement, y pose un baiser. Puis, elle se met à pleurer doucement. L'homme debout à ses côtés, se retourne vers le médecin qui se tient à quelques mètres de là. — N'est-ce pas, docteur, qu'il va guérir ? — Je fais de mon mieux, monsieur le gouverneur mais il y a des maux qui sont trop forts pour être combattus par la science. La réponse ne peut pas être plus claire. Joseph Hamilton relève son épouse, qui s'est remise à pleurer. Il force doucement la jeune femme à quitter la chambre. Il la conduit au salon, situé au rez-de-chaussée et la fait asseoir sur un fauteuil. — Ma chère amie, tu vas prendre quelque chose… — Je ne peux pas, Joseph ! — Il le faut. — Tu n'as pas compris ce que le médecin a dit ? — Il a fait entendre que le cas de notre petit Aaron est grave mais il n'a pas dit qu'il est désespéré… Il y a encore l'espoir de le sauver ! La jeune femme s'est remise à pleurer. — Ce qui me chagrine le plus, c'est que mon père risque de ne jamais le voir ! — Ton père est à New York, tu pourras lui emmener le petit dès qu'il sera remis ou alors, il viendra lui même, chez nous, en Caroline… — Un pressentiment me dit que mon père ne verra jamais son petit-fils. — Il ne faut pas avoir de mauvais pressentiment ! Il faut avoir la foi dans la providence ! Joseph Alston va encore la forcer à s'alimenter, mais lui aussi a compris que son fils, le jeune Aaron est perdu. Le jeune garçon, âgé de dix ans, a contracté la malaria dans la résidence d'été de l'île Pawley. Et en ce début du XIXe siècle, on ne disposait pas encore de médicaments efficaces pour combattre la maladie. Surtout quand la maladie n'est pas prise à ses débuts. Le 30 juin 1812, le jeune Aaron Alston meurt. Si sa mère laisse libre cours à sa douleur, son père, lui, se renferme dans le silence. Mais intérieurement il souffre car il a placé tous ses espoirs dans le petit garçon. Il rêvait qu'un jour il lui succéderait ou du moins, s'il ne devenait pas comme lui, gouverneur, prendrait en main ses vastes propriétés. La mort détruit ses espoirs et anéantit ses projets. Théodosia, elle, après avoir abondamment pleuré son fils, pense à son père et ce qui la chagrine le plus, c'est que ce père, n'ait pas connu l'enfant. Il faut dire qu'Aaron Burr, qui a occupé la fonction de vice-président des Etats-Unis, a été contraint de quitter le pays à la suite d'un duel au cours duquel il a tué son adversaire. Les duels étant interdits, il a été poursuivi et traduit en justice. Il a été acquitté mais sa carrière a été définitivement ruinée, et craignant les représailles de la famille de sa victime, il a dû quitter le pays. Il est resté ainsi plusieurs années en Angleterre avant de revenir. Il s'est installé à New York et exerce les fonctions de procureur. (A suivre...)