InfoSoir : Du point de vue sociologique, quelle explication donnez-vous aux cas cités ? N. Merah : Les témoignages expriment plus de la détresse, des drames sociaux que de la prostitution proprement dite. On définit, généralement la prostitution comme le commerce du corps pour de l'argent. Or, les jeunes filles rencontrées relatent une situation qui, à la limite, pourrait nous inspirer admiration et respect. D'une vie de misère et de violence, elles ont réussi à arriver à l'université. Je ne pense pas que le phénomène soit nouveau. Depuis toujours, et partout les étudiantes, disons les choses de manière plus soft, sortent avec des hommes et reçoivent des cadeaux en retour. Dernièrement, j'ai vu une émission sur une chaîne étrangère où les étudiantes font la même chose quand elles sont loin de leur ville d'origine. Ce qui s'explique par l'anonymat dans lequel elles se retrouvent et que leurs besoins soient plus importants que ceux des étudiantes de la ville d'accueil. Ce qui n'exclut pas, bien entendu, les sorties avec les hommes pour le plaisir et les avantages que cela présente. Certains enseignants à l'université ont une part de responsabilité, le marchandage des notes faisant ravage en fin d'année. «Le sexe ou alors c'est toute l'année qui est compromise.» Pour certains, c'est une aubaine. Quel commentaire faites-vous de cet état de fait ? Cela relève du harcèlement sexuel. C'est un délit réprimé par le code pénal, mais malheureusement les étudiantes n'ont pas tellement le choix, car il faut le prouver et ce chantage n'est pas fait devant témoins. En outre, il ne présente pas de violences physiques. Souvent ces profs gardent les étudiantes à la limite de l'échec, et la dernière note est déterminante. Si jamais une étudiante se plaint de lui, il rétorque que c'est un mensonge. La preuve, elle est juste en dessous de la moyenne. Pour peu, c'est elle qui serait accusée de persécution. La misère et la pauvreté sont autant de raisons qui poussent certaines étudiantes à se prostituer sans se soucier des conséquences dramatiques qui peuvent en découler. Y a-t-il d'autres raisons sociologiques ? La prostitution est pratiquée par des individus par besoin. Je fais abstraction de certaines prostituées de luxe, d'ailleurs même ces dernières ont dû commencer par besoin. Mais encore… ? On se prostitue en vendant son corps. Liberté sexuelle ne signifie pas prostitution, même si communément l'on considère les femmes libres comme des prostituées. Les psychologues pourraient peut-être expliquer certains cas, comme étant de la vengeance contre les hommes de la part de femmes ayant subi des viols ou d'autres types de violences.