On dit que la prostitution est l'un des plus vieux métiers du monde, cependant, il demeure jusqu'à 2006 un sujet tabou combattu dans le monde entier. L'Est algérien n'est pas en reste. Des réseaux sont parfois démantelés, comme ce fut le cas au niveau de la vieille ville, au cours de l'année 2005. Un homme de 70 ans dirigeait à l'époque un lieu de débauche qui regroupait des femmes et des hommes âgés de 40 à 60 ans. Mais souvent c'est à des arrestations que procèdent les services de la Gendarmerie nationale en pleine rue. Un fois leurs peines de prison purgées, des prostituées, parfois étrangères à la ville, reprennent leurs activités. Ce sont des jeunes filles, des femmes mariées, ou des veuves, âgées de 17 à 40 ans, et souvent plus, qui s'adonnent à ce plaisir défendu, pour subvenir à leurs besoins, pour de l'argent et malheureusement, pour certaines, pour survivre et élever leurs enfants. Nous avons pu en rencontrer quelques-unes qui ont accepté de répondre à nos questions, mais elles refusent de dévoiler leur identité. Elles ont honte mais sont obligées de le faire. Pour Maya, âgée de 38 ans, elle est issue d'une famille très pauvre qui habite un bidonville, elle se prostitue depuis des années déjà pour subvenir aux besoins de sa mère particulièrement malade et de ses petits frères et soeurs qui ne savent rien de son activité. «Je n'ai jamais été à l'école, je ne sais ni lire ni écrire, après le décès de mon père, j'ai tenté de chercher du travail, mais en vain, toutes les portes étaient fermées», nous dit-elle, avant de poursuivre les larmes aux yeux : « Je ne suis pas fière de ce que je fais, mais je n'ai pas le choix, j'abuse de mon corps pour 200 DA, c'est la honte, mais ma famille doit manger», ne pouvant plus poursuivre son témoignage Soumaya nous a demandé de la laisser. Une autre femme, une autre histoire. Sous le pseudo de Yamina, cette jeune divorcée, âgée de 42 ans, nous confie: «Je me suis mariée à l'âge de 17 ans. J'ai vécu 20 ans de violence avec mon ex-époux, il ne se passait pas un jour sans que je ne reçoive les coups les plus violents, des châtiments et des insultes. J'ai perdu mes deux parents et toute ma famille vit à l'étranger. Je dois élever mes trois enfants. Je ne me prostitue pas souvent, mais je le fais pour mes gosses et subvenir aux besoins de leur scolarité, j'ai perdu ma dignité, mais je n'ai pas le choix, surtout que je n'arrive pas à trouver un travail ». Voilà ce qu'a pu nous dire Yamina. L'autre personne rencontrée est à peine âgée de 20 ans et vient de Annaba. Elle a fui sa famille après être tombée enceinte et avoir effectué un avortement. Son compagnon a refusé de reconnaître l'erreur. Aujourd'hui, elle réside dans un hôtel à Constantine, connu pour sa mauvaise réputation. Cette jeune fille, pourtant très belle, ayant tout l'avenir devant elle, se prostitue pourtant pour vivre. Vu son âge, certains malfrats, n'hésitent pas à abuser d'elle: «On m'oblige même à me droguer, j'ai été arrêtée plusieurs fois par les gendarmes et la police, eux ils me connaissent très bien et ils savent, ce que je fais. Ils sont gentils et me demandent souvent d'arrêter cette activité, mais je ne peux pas, je dois vivre... que voulez-vous que je fasse, la vie est dure». D'un coup la jeune fille a sombré et a éclaté en sanglots. La prostitution à Constantine est un fait réel, elle est exercée essentiellement au niveau de la Nouvelle-ville Ali-Mendjli; plusieurs arrestations ont été effectuées dans cette région par les services de la Gendarmerie nationale. C'est une activité réputée également sur l'axe Boussouf-Aïn Smara. Là c'est une femme de 40 ans, elle exprime aussitôt un air de méfiance: «Que voulez-vous, je n'ai rien à vous dire... c'est mon mari qui m'oblige à le faire pour s'acheter sa dose et sa bouteille de vin. Laissez-moi...». Plus loin, une autre jeune fille, très élégante, bien habillée, avec un sourire méprisant, comme si elle se reproche quelque chose, elle déclare: «Je le fais pour de l'argent, j'aime le luxe et le confort». C'est la catégorie qu'on appelle à Constantine, les prostituées de luxe. Elles sont de plus en plus nombreuses, elles viennent de partout, Annaba, Skikda, Tlemcen, Oran et parfois Alger. La où on ne les connaît pas et où elles ne risquent pas d'être identifiées. Les services de sécurité chargés de lutter contre ce phénomène social nous ont confié que parfois des prostituées arrêtées, sont souvent relâchées vu leur situation sociale. «Elles font pitié et nous implorent de les protéger, mais ne tiennent jamais leurs promesses et reviennent à leur activité. On pardonne une fois mais jamais une seconde fois». A Annaba et Skikda le phénomène a plus d'ampleur, vu la mentalité des citoyens dans ces villes, et particulièrement Annaba. Les gens sont plus libres et ne font pas attention à cette atteinte aux moeurs et aux traditions, contrairement à Constantine qui demeure une ville très réservée. Les prostituées, dans la ville des Ponts, sont aussitôt identifiées et indexées. Comme c'est souvent le cas, elles sont obligées d'aller exercer dans d'autres villes et parfois dans des pays étrangers, comme la France. Certaines ne reviennent jamais.