Résumé de la 3e partie - Le public est surpris en apprenant l'identité du tueur du terrain vague. C'est Robert Sandifer, un garçon de 11 ans... Ils rappellent des faits tout aussi alarmants. Lors de la même année 1993, un questionnaire national a été posé aux écoliers de neuf et dix ans ; à la question : «Qu'est-ce qui vous mettrait le plus en sécurité ?» la quasi-totalité a répondu : «Une arme.» D'ailleurs, dans les quartiers difficiles, il y a des portiques de détection d'armes à l'entrée des écoles. Comment en serait-il autrement, quand on connaît la passion des armes dans la mentalité nationale ? Dans un pays où fumer dans la rue est presque assimilé à un crime, se promener avec un revolver passe pour un droit constitutionnel inaliénable. Il y a 210 millions d'armes à feu en circulation aux Etats-Unis, soit plus d'une par adulte, hommes, femmes et vieillards confondus. Et les choses ne sont pas près de changer. On peut faire confiance pour cela au NRA (National Rifle Association), l'association des fabricants d'armes, le plus puissant lobby américain, fort de trois millions et demi de membres, qui dispose de sommes considérables, qui finance campagne de propagande sur campagne de propagande et achète suffisamment de députés pour empêcher le vote de toute loi efficace... Tout cela est dit et redit dans la presse, qui, pendant plusieurs jours, ne parle que de Robert Sandifer. Moins, d'ailleurs, comme d'un monstre que comme d'une victime. Il faut le retrouver, l'arracher à l'enfer qu'est le South Side ! C'est sans doute cette médiatisation qui effraie les chefs de son gang. Tout ce tapage devient terriblement dangereux ; laisser Robert Sandifer en vie, c'est mettre en péril tous les autres... Le 4 septembre 1994, une semaine tout juste après la fusillade du terrain vague, on découvre le corps du jeune garçon dans un passage souterrain sordide et taggué sous une voie de chemin de fer. Il a deux balles dans la tête. Son identification se fait sans difficulté ; sur son bras droit, est tatouée la phrase : «J'aime M'man.» Ses meurtriers sont arrêtés peu de temps après. Il s'agit d'habitants des environs, à peine plus âgés que lui : Craig Hardway, seize ans, et son frère Timmy, quatorze. Craig est condamné à vingt ans de prison, Timmy est placé dans une maison d'éducation spécialisée, en raison de son âge. On vous l'avait dit : South Side Story n'est pas West Side Story. Aujourd'hui, dans les faubourgs sud de Chicago et les autres banlieues déshéritées des Etats-Unis, on n'a aucune chance de trouver un Roméo ou une Juliette, et les seuls moments d'extase qu'on peut goûter sont ceux, dérisoires et fugitifs, procurés par le crack, cette drogue terrible qui détruit un individu en moins d'un an. Non, rien de ce qui s'est passé en ce mois d'août 1994 à Chicago n'aurait pu inspirer un film musical. En voulez-vous une dernière illustration ? A la fin de West Side Story, on assiste à la scène émouvante du héros mort, dont le corps est porté par les membres des deux bandes rivales, enfin réunies. Dans le cas de Robert Sandifer, il n'y aurait pas eu besoin de s'y mettre à plusieurs pour soulever son corps. La police l'a précisé dans son rapport officiel : il pesait 35 kilos.