Harvey de Saint-Denys croit que les occupations quotidiennes exercent une grande influence sur les rêves. Ceux-ci contiennent donc des éléments de la vie intellectuelle et des réminiscences qui se présentent à l'esprit durant le sommeil. «Il m'arriva donc une nuit de rêver que j'écrivais mes songes et que j'en relatais de très singuliers. Mon regret fut extrême au réveil de n'avoir pas eu conscience en dormant de cette situation exceptionnelle. Cette idée me poursuivit plusieurs jours et, par cela même qu'elle assiégeait mon esprit, le même songe ne tarda pas à se reproduire, avec cette modification toutefois que, les idées accessoires ralliant désormais l'idée principale, j'eus parfaitement le sentiment que je rêvais et que je pus fixer mon attention sur les particularités qui m'intéressaient davantage, de manière à en conserver en m'éveillant un souvenir plus net et mieux arrêté. Ce nouveau mode d'observation prit peu à peu une extension très grande. Il devenait source d'investigations précieuses, à mesure que je commençais à entrevoir dans ces études autre chose qu'un puéril passe-temps. Le premier rêve où j'eus, en dormant, ce sentiment de ma situation réelle, se place à la 207e nuit de mon journal ; le second à la 214. Six mois plus tard, le même fait se reproduit deux fois sur cinq nuits en moyenne. Au bout d'un an, trois fois sur quatre. Après quinze mois, enfin, sa manifestation est presque quotidienne, et depuis cette époque, déjà si éloignée, je peux attester qu'il ne m'arrive guère de m'abandonner aux illusions d'un songe sans en retrouver, du moins par intervalles, le sentiment de la réalité.»