Comme tous les enfants, il (Hervey de Saint-Denys) racontait ses rêves à ses proches et à ses amis, mais il croyait aussi, en les transcrivant, qu'il pourrait un jour en faire bon usage. Il ne sait pas encore quel profit il pourrait en tirer, mais il sait que ces images ne sont pas tout à fait inutiles. Il lui arrive cependant, de ne pas rêver mais il ne pense pas qu'on ne puisse pas rêver. Voici ce qu'il écrit dans son journal : «14 juin. Cette nuit, je n'ai rien rêvé, ou plutôt, je ne me souviens de rien ; car il me paraît impossible que j'aie passé une nuit sans rêver. Le 28 juin. Rien, absolument rien ; j'ai beau me creuser la tête, je ne puis me rappeler ce que j'ai rêvé cette nuit.» Parfois, il oublie le songe qu'il a fait la nuit, mais il se rappelle un rêve fait la nuit précédente. Ainsi : «7 juillet. Ceci me rappelle à l'instant le rêve du jeudi de l'autre semaine, dont je ne m'étais pas souvenu du tout à mon réveil. J'étais en bateau etc. (suit le récit du rêve…) Ce n'est pas la première fois que je me rappelle seulement après plusieurs jours, des fragments de songes dont je ne m'étais pas souvenu le jour même ; mais ce n'est pas la première fois qu'il m'arrive de me rappeler un rêve tout entier et si longtemps après.» Le journal qu'il tient est, au début fragmentaire, avec des rêves souvent incomplets, voire réduits à des flashs, puis les rêves deviennent plus réguliers, plus complets aussi, certains se suivant ou alors comportant des éléments de rêves précédents. La conscience de rêver – c'est-à-dire le rêve lucide — ne lui vient qu'après une longue évolution.