Virée - Le ministère de la Solidarité a organisé, jeudi en soirée, une randonnée à travers les artères de la capitale à l'attention des journalistes de la presse nationale. Elle sera riche en enseignements et images. Il est 23 heures lorsque les convois de journalistes et des équipes multidisciplinaires du Samu social quittent le centre de Diar Errahma à Birkhadem, point de regroupement avant le signal du départ. Dans les bagages plusieurs thermos de boissons chaudes, une vingtaine de couvertures et une centaine de couches bébé. En tête, une ambulance du Samu social ouvre le chemin au reste du convoi. 23h 15min. Une halte au niveau de la rue Didouche-Mourad, tel que prévu dans le programme des organisateurs. Dans un coin de cette rue commerçante, un quinquagénaire de Aïn Defla, allongé sur un carton, recouvert d'une bâche en nylon, grelotte de froid. Il est ébloui et effrayé par le crépitement des flashs des appareils des nombreux photographes. Les projecteurs des caméras de la télévision, les micros de la radio et les enregistreurs des journalistes ajoutent à sa peur. Il se recroqueville dans un drap qui lui sert de couverture. «C'est la première fois que je passe la nuit dans la rue. Et c'est la dernière fois aussi. Demain je repartirai chez moi», dit-il en refusant même de prendre une couverture que lui tend un agent du Samu social et même la boisson chaude que lui propose une psychologue de ce service. Des citoyens nous signalent la détresse d'une femme SDF, Salima, qui subit les affres de la violence sexuelle et physique de la part d'une frange d'individus sans scrupules. Malgré l'insistance des éléments des services du Samu social et des riverains, cette femme préfère passer ses nuits dans la rue, à la merci de personnes que les services de sécurité ont la charge de mettre hors d'état de nuire pour violence sur une citoyenne en détresse. Elle évoque plusieurs motifs pour ne pas rejoindre le Samu social ni les centres de protection des femmes en détresse. «Je suis déjà passée par ce centre, j'ai été violentée par trois individus d'un quartier populaire de la capitale» dont elle cite le nom Un peu plus bas, un habitué d'une literie de fortune est là. Fouzi, 25 ans, originaire de Batna. Lui, c'est avec le sourire qu'il discute avec les techniciens du Samu social, le coordinateur national et les hommes de la presse. En plus, il ne se braque pas lorsque notre photographe le sollicite pour une photo avec sa literie de fortune sous le bras. Sans difficulté aucune, il rejoint facilement l'autobus qui doit l'emmener au centre de Birkhadem pour bénéficier d'une douche, d'une nuit au chaud et d'un repas, ce qu'il ne mange que très rarement. «C'est un habitué de nos services. Il attend notre passage avec impatience pour rejoindre le centre. Il n'oppose jamais de résistance», nous demandons pourquoi il ne reste pas au centre en permanence. «Ce n'est pas possible. Devant le peu de structures d'accueil, nous n'accordons pas le gîte à nos pensionnaires pour plus de 48 heures», nous dit le docteur Azazène. «C'est aussi la réglementation», ajoute le représentant du ministère de la Solidarité M. Nourri. Devant la décision prise par Fouzi de rejoindre les structures d'accueil du Samu social, deux autres SDF qui dormaient pas très loin de là, prennent la décision d'en faire autant : Chawki, 35 ans, dans la rue depuis 6 années déjà et ne connaît rien du Samu social et Badie, 44 ans, SDF depuis… 23 ans. Plus de la moitié de son existence. «Nous allons passer la nuit et nous retrouver encore dans la rue demain», nous disent-ils. Et d'ajouter : «Mais, c'est toujours ça de gagné, surtout en hiver.»