Supplice - Prendre un bus est devenu synonyme de calvaire pour les citoyens n'ayant pas les moyens financiers pour solliciter le service d'un taxi. «Avance en arrière, il y a assez d'espace». C'est la recommandation prononcée quotidiennement et partagée par l'ensemble des receveurs de bus. Si un voyageur se plaint, on lui répond clairement : «Si tu n'es pas content, tu n'as qu'à prendre un taxi.» Des querelles éclatent au quotidien entre les usagers de ce moyen de transport et les receveurs, mais ce sont souvent ces derniers qui obtiennent gain de cause. Etouffés, épuisés et désorientés, les simples citoyens n'ont, et il faut le dire, pas d'autre solution. «Pour prendre un taxi pour chaque déplacement, il nous faut un budget spécial. Même nos maigres salaires ne suffiront pas. Les propriétaires de ces bus savent bien cela et ils dictent alors leur loi», regrette un groupe de voyageurs croisés à la gare de Tafourah, attendant un bus pour Beni Messous. «Vous voyez ces bus délabrés qui devraient être interdits de circulation car ils représentent un danger permanent. Mais avec tout cela, on nous impose de nous y entasser comme des sardines !», intervient un autre voyageur, partagé entre la colère et l'impuissance. Le terme «Allah Ghaleb» est sur toutes les langues. Le chauffeur refuse de démarrer tant que le bus n'est pas «rempli». «Il y a encore des places, patientez un peu», dit le receveur. Et les voyageurs n'ont qu'à obéir aux ordres. La notion du service public est complètement absente et seul l'aspect commercial commande l'attitude des transporteurs. Ni l'heure de départ ni le repos du voyageur et sa bonne prise en charge ne sont pris en considération. Aucune ville n'échappe à cette situation calamiteuse, souvent à l'origine de bagarres entre voyageurs en raison de la surcharge des bus. On doit respecter minutieusement le petit espace imparti à chacun d'entre eux, ne pas bouger, ni demander d'ouvrir la fenêtre. Les querelles verbales et même physiques éclatent lorsqu'un voyageur, «serré» de tous les côtés, demande un peu d'espace. Les autres réagissent, bien évidemment, lui signifiant hargneusement que la faute ne leur incombe guère. On en vient même aux mains et le déplacement devient ainsi synonyme de galère quotidienne. Les efforts consentis par les pouvoirs publics, en accordant des crédits pour l'achat de nouveaux bus et d'agrément d'exploitation, n'ont pas abouti, jusque-là, à mettre un terme à un malaise qui ne cesse de s'aggraver. Si les transporteurs privés font ce que bon leur semble, les entreprises publiques respectent les horaires de départ, mais leur nombre demeure insuffisant pour répondre à une demande de plus en plus croissante. Beaucoup reste à faire pour permettre aux citoyens de se déplacer sereinement dans nos grandes villes.