L'hostilité des fermiers blancs, qui voient dans le départ de Mugabe la solution à tous leurs problèmes, a, sans doute, contribué à accélérer la réforme agraire : depuis février, 2 700 fermes appartenant à des fermiers blancs ont été saisies, occupées par des miliciens en civil présentés comme des vétérans de la lutte de libération et une dizaine de fermiers d'origine européenne ont été tués dans des affrontements. En principe, la grande majorité des 4 500 fermes appartenant à des fermiers blancs (qui représentent 70% des terres cultivables du pays, les 12 millions de Noirs se contentant du reste) est appelée à être expropriée et redistribuée. Si nul ne doute de la nécessité de procéder à une répartition plus équitable des terres et si chacun reconnaît que, faute de moyens, le rythme adopté depuis l'indépendance a été beaucoup trop lent (62 000 familles noires seulement ont été réinstallées), en revanche, la manière dont la réforme a été entamée cette année suscite une critique unanime. Il apparaît, en effet, que les «vétérans» sont souvent trop jeunes pour être de véritables anciens combattants de la lutte de libération des années 1970 et qu'ils ressemblent plutôt à une milice aux ordres de la présidence. En outre, leur présence sur les fermes s'est accompagnée de nombreuses vexations à l'égard des fermiers blancs ? des vexations probablement délibérées afin d'encourager leur départ. Dans l'incertitude, la plupart des fermiers blancs, qui dirigent de vastes exploitations commerciales assurant l'essentiel des rentrées en devises du pays (tabac, café, maïs, fleurs, légumes, viande) ont stoppé tous leurs investissements et laissé en jachère de nombreuses terres. Cette crise a gravement affecté les 300 000 ouvriers agricoles, souvent originaires du Mozambique, de la Zambie et du Malawi. Elle a aussi touché l'économie de plein fouet : le manque de devises a fait plonger la monnaie nationale, provoqué des pénuries de carburant, alimenté le mécontentement général. Ce mécontentement s'est traduit, entre autres, par une grève des professionnels de la santé, avec, pour conséquence, la fermeture des hôpitaux publics durant plusieurs semaines.