Constat - Les plasticiens, pour la plupart, n'arrivent pas à vivre de leur art et ce, pour cause d'absence de conditions favorables à leur épanouissement. Vu le manque d'espace leur permettant de s'exprimer pleinement, d'aller de l'avant et de fructifier leur capital artistique, les plasticiens algériens, toutes catégories confondues, ne peuvent évoluer ou développer leur imaginaire et aiguiser leur sensibilité créatrice. C'est ainsi que Karim Sergoua, un plasticien qui capitalise plus de 32 ans de carrière, déplore cette lamentable situation dans laquelle les artistes, pour la plupart, végètent et voient leur aptitude se réduire. Car s'ils ne trouvent pas où exposer – et par la même occasion vendre leur produit et ce, par absence d'un marché de l'art – il est clair qu'ils se voient perdre avec le temps toute inspiration ou sens de créativité. «Il est lamentable le nombre très réduit des galeries d'art en Algérie, alors que les espaces ne manquent pas», regrette-t-il. Karim Sergoua dénombre, en sa qualité de professionnel, à peine quelques espaces d'expression sur la place d'Alger «Il y a le musée d'art moderne, et j'avoue que je suis contre ce lieu qui est plutôt un lieu d'accrochage au lieu d'espace d'expression dans le sens de la réflexion et la création artistique», dit-il. «Il y a aussi la résidence Dar Abdeltif qui a été prise par l'Agence algérienne du rayonnement culturel, alors que nous nous sommes battus, nous les artistes, durant 30 ans pour la récupérer et la donner aux artistes. Dar Abdeltif n'existe pas pour nous. Elle est devenue un lieu luxueux qui n'a abrité, depuis sa réouverture, que deux résidences d'écriture et un workshop. Je regrette qu'un lieu qui fut jadis incontournable pour de nombreux artistes peintres, perde aujourd'hui de son aura n'ayant d'artistique que la symbolique qu'il véhicule. Il y a également la galerie Mohamed- Racim et la galerie Esma.»«Des espaces gérés étrangement», ironise-t-il. Et de faire remarquer : «Les artistes demandent à évoluer dans des lieux simples, modestes et d'intérêt pratique. Ils ont besoin d'être créatifs. Il faut qu'on prenne conscience que l'art, ce ne sont pas les murs blancs et le marbre. Il faut démocratiser l'art, le sortir des clichés et cesser le dénigrement.» A défaut d'espace d'exposition que Karim Sergoua préfère qualifier plutôt de lieux d'expression, celui-ci estime qu'il est plus nécessaire d'envisager, voire de prospecter des alternatives. C'est ainsi qu'il préconise de transformer – comme cela se fait ailleurs dans les pays où l'art a une importance capitale – des endroits aussi bien improbables qu'insolites, tels que des caves, voûtes, abattoirs et autres briqueteries ou usines désaffectés. Karim Sergoua, qui soutient un investissement dans ce sens, propose aussi l'exploitation d'anciens bâtiments. Tous ces espaces et cette manière de procéder à approcher l'art permettent à coup sûr la multiplication de nouvelles expériences et, donc, le développement de l'art et l'essor en conséquence d'un marché de l'art proprement dit. - Présenté comme un «agitateur de talent, toujours en quête de l'art majeur», puisqu'il à son palmarès plusieurs actions dont une exposition dans une maison en chantier, des happening et painting extra muros ou encore dans des prisons, des écoles spécialisées pour enfants malades, Karim Sergoua soutient fortement la vulgarisation de l'art à travers ces lieux dits insolites. Pour lui, c'est dans ce genre d'endroits, des circuits non officiels, que l'art peut se dire pleinement et en toute liberté, sans contrainte ni retenue, avec autant d'originalité que d'expressivité. «Ces espaces, qui se déclinent en millions de m2 et qui, se trouvant à l'état d'abandon et tombant peu à peu en ruine, nécessitent d'être restaurés et récupérés pour servir, entre autres, la culture et les arts dans toute leur diversité, peuvent être source de création», affirme-t-il. Notons que ce plasticien, qui a été désigné commissaire de la 3e édition de la Biennale méditerranéenne des arts contemporains qui se déroulera à Oran en 2014, est actuellement en train de travailler sur un projet ambitieux, à savoir l' évènement culturel baptisé le PaPa (Passerelles d'arts plastiques alternatives). Ce programme comportera des expositions, spectacles de danse, musique, poésie et littérature. Déjà, 170 artistes (nationaux et internationaux) entre musiciens et plasticiens, ont adhéré au PaPa, de Manu Chao à Safy Boutella. Le projet, qui sera dévoilé au mois de novembre, s'étalera sur une quinzaine de jours et il sera un hommage à la jeunesse algérienne.