Jour après jour, le jasmin de la Révolution se fane. La Tunisie vit des lendemains qui déchantent avec la multiplication des grèves, des affrontements et une répression dénoncée avec véhémence. Le chef de l'Etat et le chef du Gouvernement sont contraints de monter au créneau. La société civile et militants tunisiens continuent de s'indigner après la brutale répression policière de lundi dernier de manifestations interdites à Tunis. Selon eux, cette répression marque « un point de non retour », face à des autorités qui martèlent la nécessité de respecter la loi et renvoient dos à dos policiers et manifestants. «Lundi noir », «méthodes fasci-stes », « sauvagerie»..., l'indignation est réelle. Les scènes de violence inédites depuis de la révolution ont profondément choqué, et nombre de Tunisiens se sont sentis ramenés aux jours dramatiques qui ont précédé la fuite de Ben Ali. Hier mardi, une quinzaine d'élus d'opposition de l'Assemblée constituante ont bravé l'interdiction de manifester et ont remonté l'avenue Bourguiba jusqu'au ministère de l'Intérieur, où ils ont été reçus. « On est tous en ébullition, ce qui s'est passé lundi est horrible et un point de non retour a été franchi », a déclaré Sadoua Elleuch, une responsable du réseau Doustourna, un mouvement de la société civile. « Voir des personnalités éminentes, des responsables de mouvements, traités de la sorte est inconcevable », a-t-elle ajouté. « Les policiers ont été très violents, j'ai eu l'impression de revivre des choses qu'on vivait sous Ben Ali, a déclaré pour sa part l'avocate Radhia Nasraoui. « Ce gouvernement ne trouve pas de solutions aux problèmes des Tunisiens, par contre, pour tabasser il n'a pas perdu la main », a-t-elle ajouté. Face à l'indignation, et aux photos et vidéos de brutalités policières qui tournent en boucle sur internet, le gouvernement a appelé au respect de la loi et dénoncé « les violations délibérées » de l'interdiction de manifester sur l'avenue. Pour le leader du parti islamiste tunisien Ennahda, Rached Ghannouchi : «La Tunisie n'est pas menacée par la dictature mais par le chaos», estimant que «liberté et loi étaient indissociables et la violence devait être absolument rejetée, quels qu'en soient les auteurs» a déclaré hier lors d'une conférence de presse. « La violence est condamnable dans un Etat de droit, mais les violations de la loi sont aussi condamnables», a insisté M. Ghannouchi, dont le parti dirige le gouvernement. Au soir de la répression de la manifestation, le président tunisien Moncef Marzouki, dont le parti de gauche Congrès pour la République est allié aux islamistes, avait condamné une « violence inacceptable». Mais « il faut sortir de l'émotion et créer une commission d'enquête indépendante », suggère un analyste tunisien. « Le gouvernement est dans son rôle quand il rappelle le respect de la loi, les manifestants dans le leur quand ils dénoncent la répression ». Deux localités en grève générale Deux villes près de Gafsa, le bassin minier dans le sud-ouest de la Tunisie, étaient, hier, en " grève générale ", commerces, écoles et administrations fermés, pour réclamer notamment du travail. A El Guettar, une ville de quelque 15.000 habitants, le mouvement de protestation a été provoqué par la publication samedi des résultats d'un concours d'embauche à la Compagnie des Phosphates de Gafsa (CPG), principal employeur dans la région minière. Dans la nuit de samedi à dimanche, des jeunes s'estimant injustement écartés du programme de recrutement avaient incendié un poste de police.