La rue est en colère après l'intervention musclée des forces de police pour disperser une manifestation grandiose organisée pour commémorer la journée du martyr. La police a chargé les manifestants à coup de matraques, utilisant des bombes lacrymogènes. «C'est pire que pendant la période de Ben Ali » a déclaré le président d'un parti de l'opposition. Selon des témoignages, au moins 100 personnes ont été blessées dans la capitale tunisienne. Après l'assaut des forces de l'ordre, des dizaines de manifestants ont été interpellés. Selon des sources dignes de foi, tout a commencé vers 10h sur l'emblématique avenue Bourguiba, interdite depuis le 28 mars aux rassemblements sur décision du ministère de l'Intérieur. Des centaines de personnes, hommes, femmes, vieux et jeunes, se sont rassemblées pour commémorer «la journée des martyrs», en souvenir de la répression sanglante par les troupes françaises d'une manifestation à Tunis le 9 avril 1938, et réclamer la réouverture de l'avenue. Dans une ambiance tendue, les manifestants, enroulés dans des drapeaux tunisiens, scandant «ni peur ni terreur, l'avenue appartient au peuple», ont remonté l'avenue au pas de course, avant que ne commencent les tirs nourris de lacrymogènes. Les gens se sont enfuis dans les rues avoisinantes ou se sont réfugiés dans les cafés de l'avenue, mais des groupes se sont rapidement reconstitués, notamment sur l'avenue Mohamed V, perpendiculaire à l'avenue Bourguiba. Les manifestants accusent le gouvernement d'avoir fermé l'avenue Bourguiba aux démocrates alors qu'elle a été toujours ouverte pour les islamistes. Même des journalistes ont été agressés par les policiers. Des reporters de l'hebdomadaire français Le Point et la rédactrice en chef du site tunisien Kapitalis ont été molestés par des policiers. «Un tel degré de violence est inacceptable», a déclaré sur la chaîne nationale M. Marzouki, mettant en cause aussi bien les manifestants qui ont bravé l'interdiction de défiler sur l'avenue Bourguiba que les policiers qui les ont brutalement dispersés. «Je regrette profondément que des manifestants pacifiques aient été blessés», a-t-il dit, avant d'insister sur le fait qu'une dizaine de policiers avaient aussi été blessés. Plusieurs dirigeants de partis politique et de syndicats des travailleurs ont accusé le gouvernement de vouloir faire taire l'opposition par la force. Intervenant sur le plateau de la télévision nationale, le ministre de l'Intérieur a déclaré qu'il allait demander une enquête approfondie sur cet événement. Le ministre a également indiqué que des personnes bien connues ont provoqué ces incidents mais sans donner des précisions. «Je sais qu'ils veulent faire tomber le gouvernement, je ne suis pas contre. Que cet état de fait se fasse dans l'hémicycle mais pas dans la rue.» La presse tunisienne a indiqué que ce qui s'est passé ce lundi 9 avril, journée de commémoration de la fête des martyrs, est indigne de la Tunisie de l'après 14 janvier. Elle a ajouté qu'il n'est pas acceptable de réprimer une marche pacifique avec une telle violence, un jour de fête fort de symboles pour les Tunisiens.