Voyage - Les thèmes abordés, tels que la mer, la main, les yeux ou les visages, ou encore les fleurs, ne constituent qu'un prétexte pour immerger dans l'abstrait. D'emblée, le regard est immédiatement saisi par tant de couleurs, parfois chaudes et chatoyantes, d'autres fois sombres et violentes, caractérisant d'une façon originale les peintures du plasticien Amor Driss Lamin Dokman, qui sont exposées jusqu'à la fin du mois d'avril à la galerie Baya du palais de la Culture Moufdi Zakaria. C'est avec cent seize tableaux, de différents formats et de différentes techniques (collage, sur toiles, sur papier…) que l'artiste expose son travail qui se veut d'abord une réflexion sur l'art en question, plutôt que l'expression de sentiments ou l'illustration d'un imaginaire. Ce que l'on peut constater, c'est que le langage par lequel ce dernier s'exprime relève de l'abstrait. Il y a donc abstraction du vécu dans lequel il puise ses sujets et dont il fait un modèle – ou un mode – d'esthétique. Ce processus de transfiguration, celui du figuratif à l'abstrait, se révèle en soi la poétique qui définit toute la démarche créative à travers laquelle le plasticien se distingue avec une individualité remarquable. Les thèmes abordés, tels que la mer, la main, les yeux ou les visages, ou encore les fleurs, ne constituent qu'un prétexte – d'ailleurs justifié – pour immerger dans l'abstrait et d'en faire un outil d'expression à part entière de l'art. L'artiste s'empare certes de l'instant (et de son contenu), mais il ne le reproduit pas à la manière de ces peintres soucieux de précision, donc de réalisme. Il le désarticule. Il déstructure les éléments figuratifs pour les détourner à son compte et suivant son inspiration immédiate. Et aussitôt la spatialité démantelée et le temps disloqué, le monde qui l'a inspiré, c'est-à-dire le moment tel qu'il l'a vécu, est réinventé. Il se le réapproprie selon ses propres catégories mentales. Cela signifie que le plasticien s'est désintéressé de la représentation pour s'attarder effectivement sur l'au-delà du monde figuré, suivant, par-là, un cheminement le conduisant vers le «moi intérieur», ce «moi» qui est à l'origine de toute création. L'art devient alors la préoccupation majeure du plasticien, un acte de réflexion, de questionnement. Pour aboutir à cela, l'artiste va s'attaquer à l'inconnu, c'est-à-dire il va transcender le réel, le visible, le palpable. Il a va au-delà du conscient. Il s'engage dans une voie qui va, vraisemblablement, le mener à explorer des sensibilités nouvelles et des expériences multiples. Un voyage initiatique qui va lui révéler toute la portée de son potentiel créatif. - La réflexion est déjà posée. Le travail est désormais entamé. Cela est perceptible dans la manière dont chaque peinture est exécutée. Autrement dit, le travail se fait au niveau des couleurs. La disposition des couleurs ne répond pas à un schéma précis. L'architecture de la palette n'est pas géométrique. Tout paraît incohérence et confusion, c'est-à-dire un agglomérat de tons et de coloris, compact et déroutant, et sans relation quelconque entre eux. Tout semble alors mélange incongru et détérioration de l'inspiration. Cela n'est cependant qu'impression. Un «trompe-l'œil». Mais l'intérêt de son œuvre réside en fait dans cette réalité immatérielle et suspendue de sa temporalité, où transparaît d'une manière spectaculaire toute «l'intelligence plastique» de l'artiste, à savoir faire un travail en profondeur sur la couleur. Le plasticien réinvente la palette et confère à celle-ci sa plastique, et au lieu de chercher à rendre ce qui se présente devant ses yeux, il s'emploie à se servir de la couleur pour s'exprimer fortement.Ainsi, le travail du plasticien apparaît comme une réflexion et ses peintures sont une création de l'esprit. Amor Driss Lamin Dokman conçoit, imagine, simplement il crée.