Couleurs n L'artiste peintre, Amor Dris Dokman, expose au Palais de la culture une panoplie de tableaux, mettant en scène une peinture exaltée et exubérante. Dans cette exposition-vente au profit des enfants cancéreux , l'observateur, allant d'une peinture à l'autre, fait escale devant chacun des tableaux, car chacun suscite un intérêt particulier et la curiosité du regard. La peinture de Dokman se veut un style foncièrement ancré dans un esprit contemporain. C'est une expression inspirée et subjective. Car il y met toute sa sensibilité. Elle est l'expression manifeste d'une intuition, d'une impression ou encore d'une rêverie intime. Elle est la juste incarnation de sa vie profonde – et secrète. L'accès à son intimité – il ne s'agit pas là d'une incursion mais plutôt d'une invitation – est rendu possible grâce aux regards que porte chacun des visages qui figurent d'une façon insolite sur chacune de ses peintures. L'artiste se livre – tel un chaman – à une représentation de visages : la manière diffère d'une peinture à l'autre. En prenant du recul et en observant l'ensemble des tableaux, s'offre à notre regard une multitude de visages de face comme de profil, tous représentés dans des apparences distinctes l'une de l'autre. Mais tous traduisent à travers ces regards qui nous observent de face ou de biais des sentiments profonds, sincères, sentiments chargés d'émotion. Ces regards, qui semblent a priori muets, cherchent à dire. Ils parlent mais dans le silence de l'âme qui les habite. La peinture de Dokman se révèle exubérante : l'artiste occupe toute la surface du tableau. Il l'investit de couleurs qui, elles, forment, dans une architecture enchevêtrée de tons, ces visages à l'allure et à l'attitude obsessionnelle. Cela apparaît d'emblée comme étant une expression figurative. Il se trouve cependant que ce travail relève directement de l'abstrait : les formes palpables structurant le tableau constituent un prétexte à une abstraction de l'art. La peinture de Dokman adhère à une tendance informelle de l'art. Elle ne cherche pas à émouvoir ou à séduire ou encore à courtiser. Elle se veut une recherche – notamment en couleurs – d'une esthétique nouvelle. Elle n'est d'ailleurs jamais finie. L'imaginaire qu'il cultive dans un foisonnement de couleurs témoigne de cette quête artistique. C'est un imaginaire à la fois éclaté et condensé. Eclaté, parce qu'il «déconstruit» l'espace pour le réédifier autrement, en le calquant sur le modèle de son subconscient : toute sa vie affective s'y déploie. Condensé, parce qu'il réduit son intimité à son essentiel. Il ne s'étale pas jusqu'à se perdre sur ses fantasmes et ses désirs profonds – et parfois interdits. Cela revient aussitôt à dire que les peintures de Dokman sont l'expression, en filigrane, de fantasmes à caractère purement érotique.