Couleurs n L'exposition de l'artiste peintre Amor Driss Dokman se poursuit jusqu'à la fin du mois à la galerie Baya (Palais de la culture). Ayant pour thème «Le masque», l'exposition comprend une série de tableaux – des peintures – dont la particularité de la démarche artistique de l'artiste est la mise en volume et en relief du visage. Du tableau émerge à la surface un visage, et aucun ne ressemble à l'autre : chacun a son regard, porte son expression et ses traits. Cela montre indéniablement que l'artiste a le souci d'éviter de faire dans la redondance. Chacun qui se veut une présence reflète alors une âme type et cache une conscience propre à une émotion ou à une attitude ; celle-ci n'est perceptible qu'à travers le regard qu'affichent ces visages et dont chacun a une parole à dire, une histoire à raconter. Visiblement, le travail auquel s'est livré Amor Driss Dokman s'avère, d'une part, un exercice de style, puisqu'il explore, expérimente un nouvel imaginaire artistique et, d'autre part, une réflexion sur le comportement humain et sa réalité. De tout temps, et au quotidien, l'homme a besoin de se cacher – ou de se protéger – derrière un masque. Le masque, symbolique, se révèle pour l'homme une seconde nature, une réalité à la fois sociale et culturelle. Au lieu de tomber dans la facilité, c'est-à-dire de dessiner ou de peindre des masques comme il se fait d'ordinaire, l'artiste a préféré, pour faire vrai et, du coup, donner à son travail une certaine force et du caractère, coller un masque sur la surface du tableau et sur lequel il a étalé une riche texture de coloris, créant ainsi un univers condensé de couleurs tantôt chaudes, claires, tantôt froides, sombres : les couleurs, se répandant avec autant d'énergie que de rigueur, s'interpénètrent, se recouvrent en strates – l'artiste préfère l'enchevêtrement à la clarté de manière à exalter l'instinct. Il y a, dans l'art de Amor Driss Dokman, une grande part de primitivisme parce qu'il fait fi des conventions du réalisme optique. Son œuvre est, par cette masse de couleurs qui s'étale abondamment, et parfois sans mesure, sur la surface du tableau, l'expression même de ses sensations, de ses sentiments, plus que de son savoir ou de son inspiration – la technique ou la thématique se constituent comme un prétexte à matérialiser ses pulsions, à dire son instinct qui, lui, se révèle créatif. Par ailleurs, l'univers que l'artiste matérialise se veut fascinant et en même temps mystérieux. Fascinant, parce qu'il dégage un attrait esthétique – les peintures se composent comme une poétique par laquelle l'artiste exprime bien ce qu'il sent, non ce qu'il voit, car l'essentiel se trouve au-delà du visible. Par laquelle aussi il offre une vision et une manière qui le distinguent. En plus, l'artiste développe un goût prononcé pour les couleurs qui, d'ailleurs, confèrent à sa peinture toute son essence, parce que sans couleurs les visages n'auraient ni de sens ni de caractère. Mystérieux, parce qu'il renferme encore son secret. Parmi les tableaux exposés, une vingtaine en tout, il y a ceux qui, plus particulièrement, attirent l'attention et suscitent l'intérêt du regard de par leur composition et notamment leur contenu. Certains masques surgissent dans un environnement végétal dense et luxuriant. L'élément végétal y est fortement présent. Des fleurs, des pétales comme des feuilles, des plantes, foisonnent, rampent, s'étirent, s'épaississent autour des visages. Elles s'enracinent de toutes parts de l'espace. L'extension a quelque chose d'instinctif, de sauvage : noueux, impétueux et indomptable, le végétal prolifère inexorablement, il emprisonne l'espace, le comprime. Il se referme sur le visage. Seul, le regard parvient à s'arracher de cette densité végétale – comme de cette compacité de couleurs – et à maintenir en conséquence une visibilité effective.