Deux éminentes personnalités se sont rendues en Israël, la première Ferhat Mehenni, pour des raisons politiques, la seconde Boualem Sansal pour des raisons littéraires. Ainsi si le ténébreux président autoproclamé de «la République de Kabylie» s'est rendu dans un Etat considéré comme un criminel de guerre, on comprend qu'il cherche une reconnaissance de ses fantasmes, dût-il la chercher auprès d'un pays qui massacre dans l'abomination des enfants tous suspectés de devenir des combattants. Mais qu'un écrivain de talent se rende à un colloque en prenant soin de distinguer d'entre le politique et l'éminemment artistique, il commet là une grave erreur de jugement en conférant à la littérature un caractère de neutralité qu'elle ne possède pas. Et le géant de la poésie mondiale Mahmoud Darwich en sait quelque chose, lui qui est mort la plume dégoulinant du sang des petits martyrs de l'Intifada. Boualem Sansal a assurément un immense talent et ses romans font autorité sur la planète littéraire. Mais il a eu la malencontreuse idée de se croire au-dessus de toutes les mêlées idéologiques, convaincu que sa notoriété et son statut de conteur le mettaient à l'abri des prises de position, celles-là desquelles le vieux Léo Ferré disait que «le poète d'aujourd'hui doit être d'un parti». Le prix Nobel allemand Gunther Grass a, lui, pris le parti de la Palestine et est désormais déclaré persona non grata en Israël. Le philosophe Noam Chomsky, d'origine israélienne, est interdit de séjour dans son pays natal pour avoir dénoncé la politique exterminatrice du sionisme. Mais notre Boualem Sansal qui a commis un roman, Le village de l'Allemand, qui dénonce l'itinéraire d'un ancien nazi réfugié en Algérie, a eu les grâces de l'Etat hébreu et de toute l'intelligentsia sioniste qui fait et défait les carrières littéraires et artistiques en France, dont le sulfureux Bernard-Henry Lévy qui fait office de gourou dans le Paris littéraire. Même le charismatique Abbé Pierre fut maudit par la diaspora juive lorsqu'il eut le malheur de déclarer que «les juifs n'avaient pas le monopole de la douleur». M. Sansal, lui, vient de franchir un pas qu'il aurait été avisé de ne pas franchir. Il y a trop de gosses palestiniens qui meurent sous les bombardements des drones israéliens. Qui écrira le village du Palestinien ? Enfin, de quoi je me mêle ? Khelli l'bir beghtah.