Pratiques n Le déplacement des populations algériennes et l'internement dans les camps de concentration, c'est l'autre face peu reluisante du colonialisme qui a été au centre du débat hier au forum d'El Moudjahid L'historien Mohamed Korso a déclaré que la politique de la terre brûlée et les internements administratifs pratiqués dès 1830 et durant près d'un siècle ont provoqué un déracinement profond parmi les populations. Il reprend le chiffre de la population déplacée avancé par Bourdieu de plus de deux millions, mais en estimant le vrai nombre à plus de trois millions. Présent au débat, Yazid Zerhouni, vice-Premier ministre, a apporté son témoignage en tant que moudjahid. Il a déclaré que le déplacement des populations, ainsi que les camps de concentration établis dès 1955, étaient de véritables machines de guerre et leurs conséquences n'étaient que génocidaires. Il évalue un minima de 3,2 à 3,5 millions de regroupés sans compter la quasi-totalité de la population rurale déracinée, recasée ou enserrée dans des camps semblables à ceux des nazis. «La mort des FSNA (Français de souche nord-africaine), autrement dit le sigle désignant les Algériens, était annoncée par dizaines chaque jour, lorsque nous interceptions les transmissions des colons», témoigne le vice-Premier ministre. «Le statisticien a fini fou», a-t-il poursuivi. «Les retombées désastreuses qu'on constate présentement de cette terrible ignominie sont la perte de la mémoire paysanne et l'accélération exponentielle de l'exode rural qui, de facto, génère un manque de cohésion sociale, a-t-il relevé. Zerhouni a conclu qu'un jour, il n'y aura plus de contingences pour accéder aux archives, et la vérité sera connue de tous. D'une manière générale, il est connu maintenant par tous que tous les euphémismes n'ont pas pu atténuer la barbarie pratiquée par les envahisseurs et retranscrite par eux-mêmes dans leurs correspondances et rapports. De la lecture de ces preuves accablantes, faite par le journaliste Fodil Ourabah, il ressort un terrorisme sans nom : des razzias, des offensives sans buts militaires, des massacres de femmes, d'enfants et de vieux... La politique de la terre brûlée était appliquée à outrance jusqu'à arriver à enfumer des tribus à l'instar des Aoufiya. Tout cela avec une férocité sans limite dans l'objectif de chasser les tribus algériennes de leur terre et les faire déplacer au plus loin à l'intérieur du pays sur des terres arides ou bien sur les pics de montagnes. La transcription de ces actes ignobles est aussi criminelle que de les commettre, déclare de son côté l'historien Mohamed Korso qui a souligné le caractère pervers des commandants de l'armée française. Lors de son intervention, l'historien a exprimé le souhait de considérer tous ceux qu'on appelle victimes du colonialisme comme des martyrs. «Ceux qui sont tombés en Mai 1945 sont des martyrs et non des victimes comme c'est inscrit sur la stèle à Sétif et on doit leur rendre hommage en tant que tels» poursuit-il. M. Korso, tout en récusant la terminologie historique héritée de l'école française en citant l'exemple de l'insurrection des Zâatchas qui était une révolution libertaire, reconnaît que la plus grande partie des témoignages sur lesquels il a travaillé provenait des Français, à leur tête Charles André Julien. Abid Amine