C'est demain ou après-demain que commencera le mois de jeûne, celui-là qui voit les organes humains descendre d'un étage : le cerveau dans l'estomac et l'estomac dans les talons. Les accros au tabac et au café vont subir d'autres frustrations autrement plus marquantes que la privation de la nourriture. Il faudra donc s'attendre à de nombreuses prises de bec, à pied et en voiture quand le soleil, à son zénith, tapera dur sur le système. Pourtant parmi ces préposés aux grosses colères, beaucoup accomplissent les prières des tarawihs, et sont donc enclins à observer le jeûne dans toute sa dimension spirituelle, à maîtriser leurs emportements et traverser la journée dans la plus totale des sérénités. Plus facile à dire qu'à pratiquer surtout lorsque le café hante la tête. C'est surtout cela le ramadan, la capacité du jeûneur à maîtriser ses propres envies, à les remettre à plus tard à l'heure crépusculaire. Mais le mois sacré a pris depuis de longues années des allures de grande foire de l'excès et, la demande étant en forte augmentation, c'est un paysage commercial qui se met en place pour carrément plumer le chaland. Ainsi toute la spiritualité que véhicule ce mois, devient si secondaire devant la frénésie de la consommation et des appétits féroces des sangsues qui dépouillent le citoyen. Aussi quand le premier responsable du commerce déclare que «les prix seront raisonnables», il sait qu'au fond il prêche dans le désert et que depuis longtemps, les circuits de distribution ont échappé aux pouvoirs publics. Ceux-ci ne peuvent par conséquent que colmater des brèches avec l'importation de viande congelée et dans un autre chapitre, instituer le mois durant cette charité nationale qui consiste à faire l'aumône d'un couffin ou d'un pécule aux démunis qui sont de plus en plus nombreux à émarger aux services municipaux devenus les annexes de l'aide sociale. D'ailleurs cette solidarité est conjoncturelle et ne se manifeste que pendant le mois de ramadan. Le reste du temps, ces nouveaux pauvres peuvent peut-être se passer du couffin ? Enfin, de quoi je me mêle ? Khelli l'bir beghtah.