Il faudra, selon le ministre du Commerce, se serrer la ceinture pour le ramadan. La seule manière de faire face à la flambée des prix. La viande est trop chère ? N'en mangeons pas. Idem pour les fruits et certains légumes qui vont atteindre les cimes. Cette invitation au régime minceur est une manière de détourner le véritable problème du marché national, tombé entre les mains de maquignons et de mandataires qui lui impriment les cours qu'ils veulent. Au détriment de la masse des consommateurs qui, contrairement à ce que préconise le ministre, desserre largement la ceinture pendant le mois sacré, la seule période où l'on consent volontiers à des sacrifices, cassant sa tirelire, et il y a même des familles qui mettent en gage leur bijoux pour améliorer l'ordinaire. Ce n'est pourtant ni de la boulimie ni de la goinfrerie, mais un sens de la fête et de la table bien garnie que partagent les jeûneurs. Le ramadan constitue le seul mois où on mange «bien» plus par respect à un rituel que par gourmandise. La chorba est inévitablement relevée de viande d'agneau, le deuxième plat de poulet sans compter ces petites douceurs qui garnissent la soirée. A défaut la viande congelée est là pour compenser la cherté des produits. Mais, inévitablement, la ripaille devient le souci premier des ménages algériens. Leur demander de se serrer la ceinture, c'est méconnaître profondément cet esprit festif qui s'en empare tout le mois durant. A plus forte raison quand on sait la philosophie qui régit la sagesse populaire : «Fais-moi vivre aujourd'hui et tue-moi demain». Le populo comme on dit est enclin à vivre l'instant présent. Carpe diem, comme disent les latinistes. Mangeons, faisons la fête. Demain est un autre jour. Et Dieu dans sa mansuétude pourvoira à nos besoins. Amine ! Enfin, de quoi je me mêle ? Khelli l'bir beghtah. Rabah Khazini