Deux quartiers de la banlieue d'Annaba, ont été le théâtre de violents affrontements entre deux familles. Résultat : trois morts et de nombreux blessés. Au départ, un banal vol de bijoux à une jeune fille – oui, nous écrivons «banal» pour dire l'extrême banalisation de ces délits devenus tellement routiniers que la presse ne prend même pas la peine de les rapporter sinon dans des entrefilets réservés aux faits divers. La famille de la victime décide de se faire justice et une expédition punitive est aussitôt organisée en direction de la «tribu» ennemie. Le père de la victime tombe sous les coups de couteau et l'intervention des services de l'ordre a, semble-t-il, évité le pire. Ces scènes de vendetta se sont hélas multipliées ces dernières années et la personne agressée est plus prompte à alerter sa tribu qu'à déposer plainte auprès des services concernés. Il y a donc indéniablement rupture de confiance entre les citoyens et l'administration et c'est sans doute là qu'il faut chercher la faille. Un accident mortel est aussitôt suivi de la coupure d'une route par une population en colère et nous ne sommes plus dans la configuration où les services concernés viennent faire leur travail. Derrière toute cette «justice populaire», un sentiment d'impunité est fortement suspecté d'être accordé aux divers délinquants. Pourtant parallèlement à ces faits gravissimes devenus courants, il y a effectivement des procédures qui s'engagent avec enquêtes et arrestations. C'est que cette tendance à se faire justice soi-même s'est généralisée au point que les services d'ordre viennent toujours après pour constater et limiter les dégâts. La mort s'est banalisée et on joue du couteau comme jadis nos aînés jouaient du bâton, beaucoup moins meurtrier. C'était le tribalisme avec ses règles, son code de l'honneur, ses familles... Aujourd'hui, le tribalisme s'est déplacé dans les villes et les quartiers sont devenus les chasses gardées de bandes qui règnent le sabre au poing. Pour une place de parking, un bout de trottoir dévolu au commerce informel, on tue. On tue froidement. Jusqu'à quand ? Enfin, de quoi je me mêle ? Khelli l'bir beghtah.