Nous retiendrons de ce ramadan qui s'est achevé, l'incroyable flambée des prix à la consommation, poussant les Algériens à se plaindre constamment et en même temps qu'ils prennent le chemin des marchés avec cette résignation propre aux victimes qu'on conduit à l'abattoir. Sauf qu'en ce cas précis, nous avons affaire à des victimes consentantes et si l'on fustige les prix indécents pratiqués, on se retient d'accabler les commerçants qui ont réussi leur «opération de communication» : c'est la faute aux grossistes, aux maquignons, aux mandataires, aux spéculateurs et à l'Etat qui promet de réguler, de contrôler, de sévir mais qui laisse faire, parce que, pardi, il faut bien que la paix sociale soit. Et la paix sociale est. D'abord, parce que le ramadan est peu propice aux jacqueries et le commun des jeûneurs a d'autres frustrations à domestiquer qu'à revendiquer quoi que ce soit. Bien que les coupures de courant électrique ainsi que celles de l'alimentation en eau, aient poussé des citoyens exaspérés à barrer les routes et s'insurger contre ces pannes trop longues et trop fréquentes en cette canicule. Comme quoi, il a fallu fatalement que la colère soit oubliée en ce mois sacré plutôt propice à toutes les sagesses. Jamais les délestages n'auront duré aussi longtemps qu'en ce ramadan. A part donc ces désagréments, la vie a suivi son cours et le jeûneur son chemin de croix : assommé par les dépenses inhérentes à la grande bouffe, le voilà rattrapé par celles de l'Aïd où il a fait face à la même rapacité érigée en règle commerciale. Il y a en cette période une équation très simple : une demande de vêtements qui explose et une offre qui l'accompagne en prenant soin de majorer les prix, saignant ainsi des familles entières qui consentent à payer l'habit de l'Aïd au prix du double et même du triple. C'est la sacro-sainte loi du libéralisme et même la friperie, habituellement à la portée des petites bourses, a étalé ses chiffons parfois au prix du neuf. En définitive, les assurances du ministère du Commerce se sont révélées inopérantes dans un marché ouvert à toutes les spéculations, n'obéissant qu'à la loi du profit. Et de tous ces problèmes, qu'en pensent les partis politiques ? Apparemment, ils n'en ont cure, trop préoccupés qu'ils sont par les élections prochaines – pas aussi prochaines que cela, puisqu'elles auront lieu à la fin du mois de novembre. Aucun leader n'a, ne serait-ce que l'espace d'une soirée de ramadan, tenu une réunion pour déplorer les difficultés auxquelles fait face le citoyen. C'est pourtant la raison d'être de ces chapelles que de poser, à défaut de les résoudre, les problèmes quotidiens de leurs électeurs ? En définitive, le citoyen lambda est perçu selon l'usage qu'on veut en faire : il est le pigeon à plumer pour le commerçant et la voix qui vote pour le parti politique, ce qui revient pratiquement au même. Enfin, de quoi je me mêle ? Khelli l'bir beghtah.