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Cinéma/ Sofia Djama
«J'essaie de comprendre la société»
Publié dans Info Soir le 24 - 10 - 2012

Constat - Mollement, un samedi matin, récemment primé aux Journées cinématographiques d'Alger (14-19 octobre), est un court métrage de 26 minutes, signé Sofia Djama.
S'exprimant sur son film, Sofia Djama dira : «Ce n'est pas un film sur le viol ni un film féministe. Ce n'est pas un constat de la situation de la femme algérienne. Le viol se révèle juste un prétexte pour dénoncer le malaise et la détresse de notre société. Il s'agit en fait d'un film constat sur la jeunesse. Je décris dans mon film la façon dont on a réduit la jeunesse à une inexistence.»
En d'autres termes, le film raconte, à travers le personnage principal, le climat d'insécurité que subissent les jeunes filles. Le personnage féminin est agressé verbalement, «mollement violé», «et c'est la question que je pose dans mon film : pourquoi est-on agressée verbalement et parfois physiquement en tant que femme dans l'espace public en Algérie ?», s'interroge-t-elle. Et d'ajouter : «J'essaie de comprendre pourquoi on en arrive à cela. Parce qu'on a rendu la rencontre impossible et ce, malgré la mixité. Car cette mixité cohabite avec des valeurs contradictoires.»
Mollement, un samedi matin raconte l'histoire d'une jeune femme, Mayassa, victime d'un viol, mais un viol quelque peu singulier. En effet, Mayassa subit un viol, mais ce viol est mou, c'est-à-dire l'homme en question semble être presque impuissant. Cette impuissance sexuelle revêt en soi une symbolique : «L'impuissance sexuelle du violeur symbolise l'impuissance sociale dans laquelle baignent les gens contre leur gré, ainsi que l'impuissance de dénoncer leur mal-être», explique-t-elle.
En effet, le blocage – sexuellement parlant – de l'agresseur signifie le blocage de la société algérienne. «Je m'emploie à travers ce film à parler des peines et de l'étouffement de sa population. Rien ne fonctionne comme il faut dans cette ville si on avait à examiner en profondeur le quotidien des gens.» «Tous les personnages du film, victimes ou bourreaux, sont pris en otage d'une pression sociale, victime de ce mal en devenir», soutient-elle.
De son côté, Jean-François Caton, producteur français ayant produit le film Mollement, un samedi matin, dira à propos de sa rencontre avec Sofia Djama : «Elle s'est faite tout à fait par hasard, par l'intermédiaire d'un réalisateur qui a lu sa nouvelle, car le scénario est à l'origine une nouvelle. Il voulait la porter à l'écran. En lisant le texte, j'ai préféré que se soit Sofia Djama qui réalise le film. Je l'ai donc encouragée à le faire. Si j'ai voulu que ce soit elle, c'est parce qu'elle est une femme qui raconte une histoire de femme, et je trouvais, en toute franchise, bizarre qu'un scénario de cette nature soit réalisé par un homme et par une non-Algérienne.»
Quant à savoir ce qui lui a plu dans le scénario, Jean-François Caton, qui a accompagné Sofia Djama dans l'écriture du scénario, souligne : «Ce n'est pas le scénario en tant que tel qui m'a frappé, mais son rapport à son histoire, son envie d'en parler et la possibilité que cette parole devienne libre et aille jusqu'au bout de son expression.»
- Interrogé sur la crise économique qui sévit en Europe et son impact sur le secteur du cinéma, Jean-François Caton répondra : «Oui, forcément. Le cinéma n'est pas dissocié de la vie quotidienne, en conséquence, il en pâtit. Surtout le cinéma que je fais. Je ne fais pas un cinéma de pur divertissement. On s'habitue à la crise de toutes les façons. Je ne vois pas comment être indifférent ou échapper totalement à la crise quand elle est là. Non, je n'ai pas d'appréhensions particulières. On s'adapte toujours. Quand on a envie de faire des choses, on trouve toujours le moyen de les faire. Rien n'empêche personne de s'exprimer quand l'envie de le faire est naturellement là.»Et c'est l'une des raisons qui fait que de nombreux jeunes réalisateurs – et même des producteurs – se tournent vers le court-métrage qui est un format moins coûteux. L'on constate alors que le court-métrage prend de plus en plus de place dans le paysage cinématographique. «D'abord, le court métrage est un exercice de style, plus libre puisque si on a envie de dire quelque chose, on peut trouver les moyens de le faire, tandis que le long-métrage est généralement coûteux, parce qu'il est destiné à un public plus important, et ce, afin de compenser le coût de sa réalisation. Autrement dit, le court-métrage n'a pas les mêmes obligations que le long-métrage : le premier ne s'inscrit pas dans le même schéma que le deuxième, à savoir production coûteuse, grand public, risque que le film ne draine pas un public nombreux.» C'est pour cette raison que le court-métrage est un exercice d'innovation, c'est un film d'auteur, privilégiant plutôt l'intellectuel au divertissement, alors que le long-métrage préfère évoluer – dans la plupart des cas – dans le commercial.


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