Ecriture - Amara Lakhous est un romancier algérien vivant en Italie depuis 1995. C'est un écrivain bilingue : il jongle aisément avec les deux langues, l'arabe et l'italien. Sa double expérience d'Algérien et d'Italien fait de lui un écrivain de l'entre deux, un écrivain du milieu. «Je vis au milieu, entre les deux rives, entre deux cultures, entre deux histoires», dit-il, et de souligner : «J'écris en arabe et j'écris aussi en italien. Je me considère, et en toute humilité, comme un observateur et un témoin de cette relation unissant cette réalité.» Interrogé sur l'effet que cela lui fait de vivre dans ce qu'il appelle «le milieu», Amara Lakhous répondra : «C'est une grande expérience, je dirai une aventure parce qu'on ne peut pas se contenter de répondre de la même façon. Les questions sont presque différentes et lorsqu'on vit dans un pays comme dans un autre, entre deux langues, on a certainement un grand avantage à regarder les deux réalités d'un point de vue, je pense, objectif et avec une certaine maturité. On a un double regard, une double vision.» Amara Lakhous, pour qui écrire en italien est un choix, dira : «J'écris en italien parce que j'ai choisi cette langue. C'est donc un choix. Le rapport à cette langue est personnel, intime contrairement à la langue française qui est historique. Avec l'italien, il n'y a pas ce passé colonial.» S'exprimant sur la raison qui l'a motivé à écrire en italien, Amara Lakhous dira : «J'ai toujours eu une grande admiration pour la culture italienne et, spécialement, pour le cinéma italien. Parce que c'est un cinéma extraordinaire. Et donc cette admiration pour le cinéma italien – et aussi pour la littérature italienne – m'a poussé à aimer davantage la langue, le pays et sa culture. A un moment donné, j'ai senti en moi cette spontanéité, cette volonté d'écrire en italien.» Amara Lakhous est venu à l'écriture (en langue italienne) par le biais du cinéma. C'est donc un passionné du cinéma italien. Un cinéma qu'on retrouve d'ailleurs dans ses romans. Autrement dit, ses textes sont empreints d'un langage cinématographique. Il s'agit alors d'une écriture visuelle. «C'est vrai. Car pour moi le cinéma est un instrument extraordinaire pour raconter, pour élaborer des personnages, pour explorer des imaginaires. Dans mes romans, je pense que le cinéma s'avère un instrument indispensable pour comprendre mes personnages, l'histoire, pour saisir en fait mon univers romanesque.» Amara Lakhous, qui aime mettre le cinéma et la littérature ensemble, dans un rapport de corrélation, tient à préciser qu'écrire dans une langue comme dans une autre ne peut pas être une traduction. «Chaque texte, qu'il soit écrit en arabe ou en italien, a son empreinte, son originalité, sa personnalité. J'essaie de confronter en écrivant les deux langues et j'essaie, par ailleurs, de donner à mes personnages la possibilité de s'exprimer comme ils le veulent. Dans mes romans, ce sont des personnages d'origine arabe mais qui parlent italien. Et lorsque j'écris en arabe, je donne à mes personnages la possibilité de s'exprimer en italien.» - Amara Lakhous écrit en arabe, mais aussi en italien, d'où la question : est-il la même personne lorsqu'il passe d'une langue à l'autre ? «Cela revient aux critiques de répondre à cette question. Moi, j'essaie de raconter une histoire et j'utilise tous les moyens qui sont à ma disposition», répond-il, et d'ajouter : «Je considère l'écriture comme une aventure. Et dans chaque aventure, on connaît le début mais on ne connaît pas la fin. L'aventure, c'est le mystère de la fin. C'est une nouvelle ouverture. Il n'y a pas de fermeture. En ce qui me concerne, j'essaie d'être original. C'est d'ailleurs mon obsession. En écrivant dans les deux langues, j'arabise l'italien et j'italianise l'arabe. Lorsque je parle de l'arabe, je parle d'un univers culturel.» Amara Lakhous estime qu'écrire en italien se révèle «une aventure, une possibilité pour expérimenter d'autres imaginaires, d'autres sensibilités, découvrir d'autres horizons». «Cela signifie pour moi une contribution à la culture – et la littérature – italienne. Car c'est avec un regard maghrébin que je raconte la société italienne et parle de sa réalité. J'ai investi dans la culture, dans la langue.» C'est ainsi qu'il s'inscrit dans l'universalité. «C'est une invitation à l'ouverture. C'est une grande richesse le fait d'écrire dans deux langues, c'est-à-dire d'être bilingue. Il est important de posséder une richesse linguistique.»