Passion - C'est depuis sa plus tendre enfance que Amin Khan compose des vers. Il est habité, animé, inspiré par des voix poétiques, qui l'aiguillent dans le choix des mots et aiguisent sa verve poétique. Amin Khan a plusieurs recueils de poèmes dont le dernier ‘Arabian blues' a remporté en 2012 le 1er Prix Méditerranée de la poésie Nikos-Gatsos et le prix François-Coppée de l'Académie française. S'exprimant sur sa poésie, Amin Khan dira : « J'écris depuis toujours, j'essaie de la façon la plus limpide et la plus simple possible de rendre compte des sentiments et des idées que peut avoir un individu avec son environnement. Et c'est aux lecteurs de savoir comment ils peuvent définir ma poésie.» Amin Khan, pour qui «la poésie est essentiellement un rapport entre la solitude de l'individu et celle des autres individus», se définit comme «un solitaire et un solidaire». «Parce que je crois que la solitude est l'essence humaine», explique-t-il, et de poursuivre : «Finalement nous sommes tous seuls d'un certain point de vue, mais en même temps nous n'existons vraiment que dans la relation aux autres, et cette relation je souhaite qu'elle soit solidaire, donc c'est pour cela que la poésie doit avoir un sens pour celui qui l'écrit et pour celui qui la réceptionne.» Et solidaire envers qui, lui a-t-on demandé ? «Solidaire envers la société et les causes auxquelles on peut s'identifier naturellement, c'est-à-dire pour des idéaux (justice, liberté...). C'est cela qui m'intéresse en tant que citoyen et en tant que poète.» Le poète est un individu solitaire, en décalage par rapport à la société, et Amin Khan ne déroge pas à cette règle. «Oui, je le suis», confie-t-il, et de renchérir : «Je crois que si on posait la question aux citoyens, on aurait probablement l'expression de ce sentiment de décalage. Je crois que l'on n'a pas besoin d'être poète pour sentir ce sentiment de décalage. Mais cela ne revient pas à la pratique de la poésie, cela revient au fait que la société algérienne est en crise, donc nous sommes dans une phase où nous n'avons pas le sentiment qu'il y a des gens regroupés autour de la défense de certains idéaux et idées. Nous sommes plus globalement dans des démarches de survie, où les gens essaient de faire face aux difficultés de la vie quotidienne avec les moyens du bord, donc c'est un sentiment assez général, je crois que tout le monde est en décalage avec tout le monde.» A la question de savoir si la poésie est un acte de citoyenneté, Amin Khan répondra : «Pour moi, la poésie – dans la mesure où elle est essentiellement un acte de liberté – est un acte d'affirmation de l'individu, de ses convictions, de ses sentiments. Dans cette mesure, il y a effectivement une dimension qu'on peut reporter à la citoyenneté entendue comme affirmation de l'individu avec ses droits et ses devoirs, y compris le droit et le devoir d'expression de ses idées et de ses sentiments.» - La poésie est un acte de citoyenneté et, de ce fait, c'est une façon de s'inscrire dans l'universalité. «C'est aussi une manière de s'inscrire dans l'universalité, parce que je crois que dans la mesure où nous sommes des individus, il peut y avoir une conscience plus ou moins aiguisée de l'appartenance à l'universalité, mais c'est bien dans la nature de l'individu de se sentir en rapport avec le reste de l'humanité», dit-il, et d'insister : «Personnellement, je me sens solidaire des combats et des souffrances de mon peuple et aussi des autres peuples. Je n'ai pas de barrières.» Très jeune, Amin Khan est porté par la poésie et transporté par sa magie et par sa prodigieuse émotion qui s'en dégage. Il en est même profondément imprégné. Il écrit son premier poème, ‘Le désert', en 1966. D'où la question : pourquoi la poésie et pas le roman ? «J'écris aussi des romans, mais la poésie est pour moi la façon par laquelle je me suis exprimé spontanément lorsque j'étais jeune, donc cela est resté ma forme privilégiée d'expression», répond-il, et d'expliquer : «Il y a des choses qu'on peut dire en poésie et qu'on ne peut pas dire dans le roman et inversement. Je n'ai pas publié de romans jusqu'à présent, car je me sens plus à l'aise dans l'écriture poétique.» Amin Khan estime que s'exprimer par la poésie est «un acte courageux dans la mesure où on n'est pas toujours compris de façon immédiate par le public». C'est ainsi que ceux qui se sont mis en rapport avec la poésie se reconnaissent entre eux, se comprennent et ont «le devoir de s'obstiner à écrire de la poésie».