Drame - Quant aux aliénés musulmans, ils étaient littéralement abandonnés par leurs familles qui ne disposaient d'aucun moyen pour les secourir. Pendant l'occupation coloniale de notre pays, les soins médicaux étaient trop chers pour les indigènes. Dans le village de Trézel par exemple, les Algériens, lorsqu'ils tombaient malades, n'avaient d'autre choix que l'infirmerie municipale, un mouroir sordide et froid ou de se rabattre sur les remèdes de grand-mère et les herbes des guérisseurs. Les Européens, eux, pouvaient se payer une visite chez le généraliste du village, M. Parrot ou mieux, se faisaient carrément traiter par un spécialiste de la capitale. Pour ce qui était des cas de démence, les choses étaient autrement différentes. Les aliénés européens dont les familles avaient peur du scandale et qui tenaient par-dessus tout à leur statut, évitaient de se donner en spectacle dans la rue. Ils étaient discrètement orientés le soir vers les asiles de Blida ou d'Alger où ils étaient pris en charge et suivis. Quant aux aliénés musulmans, ils étaient littéralement abandonnés par leurs familles qui ne disposaient d'aucun moyen pour les secourir. Sales et déguenillés, les Français les fuyaient comme la peste et l'administration n'éprouvait aucune compassion pour ces pauvres diables qui avaient perdu définitivement la raison.Ils mouraient en général dans l'indifférence totale des services sanitaires de la mairie. Samha est pourtant la première aliénée juive du village. Son beau-frère Isaac l'autorisait à vadrouiller toute la journée dans le hameau, mais la ligotait le soir à la maison bien à l'abri des maraudeurs. Et puis un jour elle a disparu brusquement de la circulation. Personne ne la revit plus jamais. Renseignement pris, la diaspora du hameau a cotisé secrètement pour l'envoyer en France et lui payer les psychiatres les plus chers de l'Hexagone.