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Maître Fatima Benbraham * à InfoSoir
«C'est l'Etat qui laisse faire»
Publié dans Info Soir le 14 - 02 - 2013

InfoSoir : Qu'en est-il des lois relatives aux droits d'auteur ?
Me Fatima Benbraham : Il existe des textes nationaux et internationaux, parce que, aujourd'hui, le piratage ne se limite pas aux produits algériens et en Algérie. Les produits à travers le monde sont piratés. Donc, il y a eu une convention internationale qui lutte contre ces pirates. Cette même convention instaure des droits très stricts pour les auteurs des œuvres. Sauf que ces auteurs d'œuvres doivent également passer par des organes pour enregistrer leurs œuvres. Si une œuvre n'est pas enregistrée, on ne peut parler de droits d'auteur, si elle l'est, alors on en parle.
Il y a des lois qui autorisent les sanctions, mais elles ne sont pas appliquées.
Il y a des équipes d'inspecteurs chargées de contrôler. Ils font des sorties sur le terrain, procèdent à des rafles... Mais ils ne sanctionnent pas vraiment. Ils ramassent tous les CD (ou DVD) dans les boutiques et les brûlent. Ils dressent des procès-verbaux, traduisent les pirates en justice. Cela est cependant insuffisant. Parce que ce pirate qui se trouve devant la justice, sera condamné à une amende seulement. Il y a derrière des exploitants qui fabriquent la contrefaçon. Il y a derrière toute une industrie florissante. Ces sociétés qui fabriquent des supports médiatiques, ont-elles été interrogées, interpellées ? Non. Donc le producteur de faux continuera à produire, c'est le vendeur de faux qui se fera ramasser et sera sanctionné. Et ça, moi je dis que c'est l'Etat qui laisse faire. Parce qu'il n'est pas difficile de vérifier les registres du commerce, de trouver ces maisons d'édition et d'en exiger les autorisations d'exploitation du produit artistique. C'est cela qu'il faudrait faire, c'est à cet endroit là qu'on devrait agir, et là il n'y a, malheureusement, pas de contrôle.
Autrement dit, la justice ne s'implique pas ?
La justice est l'aboutissement d'un processus, c'est-à-dire que la justice intervient pour juger les personnes lorsque ces enquêtes ont été faites, le produit a été saisi, les magasins ont été inventoriés, lorsqu'il il y a eu une plainte de l'auteur... C'est ce dossier qui arrive ensuite devant la justice, qui, elle, punit, tranche. C'est quelque chose d'automatique. Moi je parle de l'impossibilité de faire venir ces dossiers au niveau de la justice parce qu'il n'y a pas une volonté expresse de vouloir fermer telle maison d'édition ou telle autre.
- A la question de savoir s'il y a des affaires en cours devant la justice, Me Benbraham répondra : «Il y en a eu quelques-unes, mais c'est sporadique. C'est une vague et on s'arrête. Ce n'est pas un travail continu. Et c'est ce qui est malheureux. Le piratage et la contrefaçon sont des phénomènes qui ne sont pas vraiment pris au sérieux par les autorités. En outre, les affaires liées aux droits d'auteur sont très rares. Celui qui veut se spécialiser, mourra de faim rapidement, parce qu'il aura une affaire pendant toute sa carrière. Il n'y a pas vraiment une spécialisation dans ce domaine. Par ailleurs, il y a très peu d'artistes qui viennent se plaindre. Et même quand cela arrive, la justice est confrontée au problème de preuves.» Le piratage continue, malgré les efforts de l'Office national des droits d'auteur et des services de la Direction générale de la Sûreté nationale à sévir et à porter préjudice aux artistes. D'où la question : Que faut-il faire pour y remédier ? «Il faut reconsidérer les droits d'auteur dans leur intégralité», dira Me Benbraham et de poursuivre : «Il faudrait bien réfléchir à la manière d'agir pour préserver le droit moral et matériel des auteurs et créateurs. Il faut reconsidérer la protection, et mettre les moyens à même d'assurer la protection afin de saisir le produit entre les mains de ceux qui l'utilisent (ou le contrefait) et de les contraindre à payer le prix qu'il faut. Il faut instaurer un système de surveillance plus rigoureux, plus efficace pour parvenir à éradiquer ce fléau. Ce sont des normes qu'il faudrait instaurer. Et malheureusement dans notre pays, on fait les choses en surface, mais jamais en profondeur.»


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