Si d'une manière générale, les habitants des bidonvilles courent de réels dangers sanitaires du fait de l'insalubrité et de la cohabitation avec rats, serpents et autres animaux nuisibles, ceux d'El-Hamiz sont, en plus de tout cela, exposés au... cancer. Les autorités se doivent de venir en aide à ces résidents dont certains sont centenaires. Six cents familles vivent depuis plus de 30 ans sous des tôles en amiante au niveau des berges de l'oued El-Hamiz relevant des communes de Dar El-Beïda, Bordj El-Kiffan et Rouiba, pourtant des communes extrêmement riches. Notre virée par ces taudis, nous a permis, en ce 8 mars, de toucher à une réalité très préoccupante. C'est un enseignant qui nous met au courant de cette dangereuse situation que vivent plus de 2 400 personnes. «Si les rats et les innombrables bestioles qui nous tiennent compagnie sont visibles, il y a aussi ce tueur invisible qu'est l'amiante qui est l'une des composantes des toitures de nos taudis», nous dit-il. L'une des habitantes de ces baraques est Houria S., cette vieille femme dont l'âge dépasse 110 ans d'après de vieilles personnes de sa région à l'ouest du pays et résidant dans le même bidonville. Un vieil homme de sa génération dira à son sujet : «Je suis âgé de 94 ans, lorsque j'avais 35 ans, Houria avait au moins 25 ans de plus que moi. Cette vieille femme doit avoir près de 115 ans. Lorsqu'elle était lucide, elle nous parlait d'anciennes personnes que nous n'avons jamais connues. Pour fuir le terrorisme, elle s'est fait construire en ce lieu un taudis par les élus de la commune de Rouiba. Comme vous pouvez le constater, au même titre que nous tous, cette femme occupe une pièce à la toiture en amiante. Lorsqu'il pleut, l'eau s'y infiltre, c'est un véritable frigo, et en été, cette pièce se transforme en four». «Elle ne parle pas, ce n'est qu'avec des signes de la main qu'elle s'exprime. Pour la faire sortir prendre un peu d'air lorsqu'il fait beau, je dois la porter dans mes bras comme un enfant. On n'a même pas une chaise roulante pour la déplacer. Etant sans ressources, je n'ai pas les moyens de lui en payer une», nous dit son arrière-petit-fils. Dans un tel cas de figure, une question s'impose d'elle même : «Services sociaux de la commune, où êtes-vous ?» «Sincèrement, lorsque je pense à la situation fort précaire de plusieurs personnes qui vivent en ce lieu depuis plus d'une trentaine d'années, je me demande à quoi servent certains organismes censés apporter de l'aide à des cas semblables», nous dit l'enseignant. Halima, une autre victime de la pauvreté, a eu recours à la médecine traditionnelle pour faire face à la maladie. Sur ses orteils gangrenés, elle a appliqué une herbe qu'elle a enveloppée d'un chiffon propre en guise de pansement. «En voulant changer le pansement, elle a constaté, effrayée, que ses orteils se sont détachés du pied», nous dit sa fille qui s'est rendue à plusieurs reprises au siège de l'APC de Dar El-Beïda pour s'informer des documents à fournir pour bénéficier d'une carte de soins, sans résultat. Au niveau des communes de Rouiba, Dar El-Beïda et Bordj El-Kiffan, les échos que nous avons recueillis auprès des autorités locales sont d'une effroyable contradiction. A Rouiba c'est : «Nous n'allons pas éternellement recaser les habitants du Hamiz, qui une fois recasés reviennent de nouveau en ce lieu.» A Bordj El-Kiffan c'est : «Nous ne pouvons rien faire sans que l'Etat nous attribue des logements.» A Dar El-Beïda : «Les habitants des bidonvilles sont inscrits dans un programme national de recasement.» Entre les déclarations des uns et des autres, toute une population vit sous la menace de ce tueur invisible.