Testament «El-Hadj Mohamed, je suis à Alger, en principe je dois y rester deux ou trois jours, mais il se peut que je ne revienne jamais.» Fin de communication. Ce sont là les derniers propos de Djamel quelques heures avant de passer à l?acte. Aujourd?hui, jour des funérailles, tout Djelfa en parle. Une grande foule est attendue après la prière du Dohr au cimetière Lakhdar, situé à quelque 2 km du domicile mortuaire. «La nouvelle ville est sur un volcan», avertit un vieil homme la soixantaine largement dépassée. Il sait de quoi il parle, puisque les jeunes dés?uvrés, qui manquent de tout, risquent de s?en servir pour aller jusqu?au bout, même à l?émeute. Une contestation et un risque immense de débordement. Dans les différents quartiers, la présence de renforts de la police laisse penser au pire. La mort de ce jeune homme d?affaires titulaire d?un Capa de la faculté de Ben Aknoun ruiné par les dettes (600 millions de centimes) et surtout par un «complot ourdi», comme l?aime à le répéter sa mère Fatma, a jeté l?émoi dans la ville des Hauts-Plateaux qui s?est vite rappelée que les malheurs qui s?abattent sur sa tête se suivent et se ressemblent. Ainsi, le décès tragique des 13 nourrissons était à peine consommé qu?une autre affaire des plus macabres surgit pour en désarçonner plus d?un. Djamel Taleb est sorti tragiquement de l?anonymat. Il est désormais l?homme le plus connu de la ville après le saint wali de la région, Sidi Naâs. Hier, une grande foule était présente devant le domicile mortuaire au moment de l?arrivée de la dépouille à bord d?un véhicule Kia de la protection civile, très tard dans la nuit, après presque cinq heures de route. Dans le véhicule un cartable dans lequel on pouvait trouver une pile de documents dont une lettre-testament. Il s?agit de la lettre ouverte adressée à la présidence de la République et au ministre de la Justice, mais malheureusement restée sans écho puisque du haut de ses 41 ans, Djamel Taleb a préféré s?immoler par le feu devant une foule de journalistes. Après 13 ans de calvaire. Treize ans, l?âge de son fils Moseil, qui n?arrive plus, aujourd?hui, à contenir ses larmes depuis la disparition de celui qui le chérissait tant. «Il a fait ce projet pour ses trois enfants et voilà que des comploteurs l?ont ruiné. Ils l?ont brûlé vif et ont massacré sa famille», s?indignait une parente hors d?elle.